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Palais ducal de Nancy
5 août 2019

I- Historique de l'aile

Mise à jour (05/08/2019)

 

Une aile essentielle du Palais ducal


Lorsqu'il succéda à son père en 1508, le duc Antoine décida de poursuivre la modernisation du complexe palatial. C'est dans ce cadre que s'inscrit l'édification d'une nouvelle aile le long de la Grande-Rue. Malheureusement, deux éléments manquent à notre connaissance. Premièrement, nous ignorons comment se présentait cette partie du château à l'aube du XVIe siècle. Certes, il y avait eu, par le passé le mur de l''enceinte contre laquelle le duc Ferry III avait construit sa demeure mais nous savons qu'elle avait, au moins partiellement, été démantelée (notamment la porte Bezuel). La construction de l'aile René II apporte quelque élément de réponse (Gaston Save & Charles Schuler, 1893). En effet, lors de fouilles réalisées en 1893 dans la partie subsistante du bâtiment, on découvrit les restes de fenêtres que la construction plus tardive de l'aile Antoine le Bon avait rendu aveugles. Une petite porte, juste en dessous de la corniche, donnait visiblement accès à un balcon ou un chemin de ronde. Il apparaît de ces observations qu'à sa construction, l'aile René II n'était pas accolée, sur la Grande-Rue, à des bâtiments d'importance. Il n'y avait sans doute qu'un mur de faible largeur destiné à séparer le château du reste de la ville. Cela n'exclut bien-sûr pas que d'autres bâtiments aient existé, contre ce mur, à quelque distance au nord de l'aile René II. Le deuxième point sur lequel nous sommes peu renseignés est le projet architectural dont hérita Antoine. En somme, René II envisageait-il d’édifier cette nouvelle aile ou sa construction est-elle à mettre entièrement au crédit d'Antoine ? Les fenêtres aveugles découvertes en 1893 sont là encore le seul indice dont nous disposions car on conçoit mal qu'elles aient été prévus pour n'être qu'éphémères. Si donc René II envisagea des constructions là où son fils édifia son aile, il est probable qu'elles ne devaient pas s'étendre si loin au sud.

 

Emplacement de l'aile Antoine le Bon sous René II (dessin personnel)


Façade du palais sur la Grande-Rue par Friedrich Brentel 1611 (cliché BINHA, détail)Antoine entreprit donc la construction d'une nouvelle aile reliant, en bordure de la Grande-Rue, l'aile René II au corps de logis nord regardant vers le petit jardin et les Cordeliers. Ce faisant, il fermait à l'ouest la cour d'honneur et marquait d'une manière monumentale l'entrée de la demeure ducale. Celle-ci était d'ailleurs au cœur de la vie de la capitale en raison des échoppes qui s'adossaient au murs du palais. Cette proximité entre la cour et les habitants avaient cependant l'inconvénient de nuire à la vue de l'édifice sur lequel on ne pouvait prendre aucun recul. La plus belle représentation ancienne de l'aile Antoine le Bon est dans la Pompe funèbre de Charles III. Le graveur Friedrich Brentel y montre le cortège funéraire passant devant le palais.

L'édification de l'aile Antoine le Bon fut un chantier important (Henri Lepage, 1852, p. 30-31). Les comptes nous apprennent ainsi qu'en 1511-1512, pas moins de 43 371 pieds de pierre de taille furent amenées depuis Pont-Saint-Vincent, Maizières, Flabémont, Montenoy et Bouxières-aux-Chênes. De même, trente marches et vingt-six toises de pavé, également de pierre de taille, furent expédiées respectivement de Belleville et de Pompey. À cela, il faut ajouter le bois de la charpente et les ardoises de la toiture. Il semble que le duc ait souhaité que les travaux soient rapides car les ouvriers travaillèrent de jour comme de nuit pour achever promptement l'édifice.

 

   L'aile sous le duc Antoine (dessin personnel)


L'aile Antoine le Bon sur le Plan de Nancy de Thomas Belprey, 1754, (cliché journaldedurival.fr, détail)La finalité de ce bâtiment était son premier étage, auquel on accédait par une tour carrée qui prit plus tard le nom de tour de l'horloge [1]. Il s'agissait d'une vaste galerie d'apparat nommée la galerie des cerfs. En dessous se trouvaient le vestibule [2] prolongé par un portique [3] courant le long du bâtiment jusqu'à la tour. Les espaces intérieurs comprenaient des écuries [4] et la conciergerie du palais [5]. Cet aménagement du rez-de-chaussée varia en partie au gré des besoins de la cour mais le bâtiment demeura inchangé jusqu'au XVIIIe siècle. Lorsque Léopold entreprit la construction du Louvre de Boffrand, l'aile Antoine le Bon ne fut pas inquiétée. Certes, il fut envisagé qu'une fois le nouveau palais achevé, une chapelle lui soit ajoutée ce qui aurait détruit la partie sud du bâtiment (dont la porterie) mais le projet n'eut pas de suite.

 

Un long déclin

 

Jean Girardet, Le chancelier Chaumont de la Galaizière soumet à Stanislas l'Edit de fondation de la bibliothèque publique de Nancy, v1750 (cliché BM Nancy)

Bien que l'aile Antoine le Bon ait survécu au règne de Léopold, elle n'en souffrit pas moins de la désaffection du duc pour son château nancéien. Son successeur, François III fut le dernier prince héréditaire de Lorraine. Après son départ, Stanislas prit possession du duché. Résidant à Lunéville, il céda le vieux palais à la municipalité en 1739. Avec l'accord du souverain, celle-ci détruisit le Louvre inachevé ainsi que diverses parties datant des époques antérieures. L'aile de la galerie des cerfs fut cependant épargnée car on décida d'y installer la Bibliothèque royale et l'Académie fondée par Stanislas. Cette affectation, temporaire car la bibliothèque fut transférée en 1763 dans les locaux de l'hôtel de ville, sauva sans doute l'édifice.

Au départ de la bibliothèque, l'aile fut convertie en écurie destinée au service du palais du gouvernement (Pierre Marot, 1936, p. 9). Le rez-de-chaussée fut donc remanié afin de pouvoir y loger une vingtaine de chevaux. Le manque d'entretien avait sans doute fragilisé la structure de l'édifice car on détruisit la pesante voûte en pierre de la galerie des cerfs, qui servait désormais de grenier à fourrage, et on construisit d'épais contreforts dans lesquels furent noyés les sculptures du XVIe siècle. Dans le même temps, les arcades gothiques furent fermées et des remises aménagées. Une porte cochère, plus tard appelée "porte des gendarmes", fut même percée dans le mur donnant sur la Grande-Rue. Tandis que ces modifications permettaient de changer l'usage du lieu, la Révolution avait éclatée entraînant, sur ordre de la municipalité, la destruction de la statue équestre de la porterie et des armoiries ducales. La ville loua également des portions de la galerie des cerfs à différents particuliers, ce qui indique qu'elle n'était pas entièrement utilisée pour le stockage du fourrage.

En 1823, un accord entre le conseil général de la Meurthe et la municipalité transforma les dépendances du palais du gouvernement en bureaux pour la préfecture (Pierre Marot, 1936, p. 11-12). La moitié sud du vestibule fut également cédée afin d'y aménager les latrines de ces locaux administratifs. Le statut de l'aile Antoine le Bon restait cependant assez confuse. En 1827, un nouvel accord clarifia la situation. Hormis la question des latrines considérée comme réglée, il fut décidé que l'usufruit du bâtiment reviendrait au conseil général (auquel revenait légalement la charge de loger les gendarmes et leurs montures). En retour, celui-ci s'engageait à assurer la réparation de l'édifice en sauvegardant la porterie, les balcons et la tour de l'horloge. La municipalité se réservait seulement la galerie du rez-de-chaussée afin d'y mettre ses pompes à incendie, jusqu'alors stockées au couvent des Cordeliers.

 

L'aile Antoine le Bon avant l'accord de 1827 (dessin personnel)


La renaissance et la restauration


L'aile Antoine le Bon après les travaux de Châtelain (dessin personnel)L'accord de 1827 marqua le début des nombreuses restaurations que connu l'aile Antoine le Bon au XIXe siècle. Pour l'heure cependant, la priorité n'était pas encore à la mise en valeur du patrimoine ducal. Certes, des Lorrains, comme l'architecte Grillot, envisageaient déjà d'aménager un dépôt d'objets historiques mais le but du conseil général restait de veiller à l'usage pratique du lieu pour la gendarmerie. L'architecte départemental Charles-François Chatelain fut chargé des travaux. Favorable à la création d'un musée historique lorrain, celui-ci proposa un compromis (Pierre Marot, 1936, p. 14). Les chevaux des gendarmes seraient logés non dans le vieux château, mais dans l'écurie construite dans la cour au XVIIIe siècle et qui jusqu'alors avait fait l'objet de locations. Le portique, remis dans son état d'origine, deviendrait une salle d'inspection ouverte sur la cour tandis que la galerie des cerfs, libéré du fourrage des montures, serait en mesure d'abriter les Archives départementales justement trop à l'étroit à l'Hôtel de la Monnaie. Le conseil général refusa ce projet. Certes, la nouvelle écurie serait utilisée, mais le portique fut coupé afin d'aménager une sellerie [1] et des box pour les chevaux passants [2] et les chevaux malades [3]. Un mur fut également bâti pour séparer la cour de la caserne du dépôt des pompes [4]. Les travaux, commencés en 1828, s'achevèrent en 1831.

 

Emile Boeswillwad, Élévation de la façade sur rue, 1850 (cliché MAP)   Emile Boeswillwad, Élévation de la façade sur cour, 1850 (cliché MAP)  Jean Cayon, Ancien Palais ducal, 1847



La Société d'Archéologie Lorraine fut crée en 1848. Deux ans plus tard, ce fut le tour du comité du Musée historique lorrain destiné à s'installer dans l'ensemble de l'aile Antoine le Bon. Les différentes administrations ne cédèrent pourtant pas facilement les locaux (Paul Sadoul, 1998, p. 6). Si la municipalité ne fit pas d'obstacle à retirer ses pompes à incendie, le conseil général refusa pendant des mois d'évacuer les latrines du vestibule, l'écurie et la sellerie du portique et la galerie des cerfs. Il n'accepta finalement qu'à la condition que l'évacuation ne coûterait rien au département. La jeune Société d’Archéologie Lorraine fut donc obligée d'ouvrir une souscription pour construire de nouvelles latrines. Le vestibule et la galerie du rez-de-chaussée purent donc être aménagés pour accueillir les premières œuvres tandis que la Société essayait de rassembler l'argent nécessaire à la construction d'un nouveau bâtiment dans la cour de la gendarmerie, afin d'y transférer les écuries et le grenier. Ce n'est qu'en 1857 que cette phase du projet s'acheva. Restait à restaurer l'édifice pour en faire un musée convenable. La porterie avait été restaurée assez rapidement mais beaucoup restait à faire. C'est Émile Boeswillwald, architecte des Monuments historiques, qui, dès 1850, avait été chargé de redonner son éclat à la dernière aile du palais ducal (Thierry Dechezleprêtre & Marie Gloc, 1998, p. 34-37). À la suite d'une étude préalable rigoureuse, il proposa une restauration s'appuyant à la fois sur l'iconographie ancienne et sur une approche archéologique. Pour des raisons budgétaires, il se borna à la restauration du gros oeuvre, ajournant le rétablissement de la tour de l'horloge ou des décorations de la toiture. Ils permirent notamment de rétablir l'unité du vestibule et du portique, désormais ouvert sur la cour. Notons que des verrières furent installées pour isoler le vestibule et sa collection lapidaire. La cour du musée fut séparée de celle de la caserne par un mur égayé par quelques plantes rompant la minéralité du lieu. C'est cet état de l'aile qui fut dessiné par Adolphe Maugendre en 1859.

 

Adolphe Maugendre, Porterie du Palais ducal, 1859 (cliché AM Nancy)  Adolphe Maugendre, Le Palais ducal à Nancy  Adolphe Maugendre, Le Palais ducal à Nancy  Adolphe Maugendre, Le Palais ducal à Nancy

Adolphe Maugendre, Le Palais ducal à Nancy Vestibule d'entrée (cliché AM Nancy)



Bien que l'inauguration ait eu lieu en 1862, les derniers travaux ne s'achevèrent qu'en 1868. Malheureusement, tout le travail réalisé pour restaurer le vieux palais et en faire un musée moderne fut réduit à néant dans la nuit du 16 au 17 juillet 1871 lorsqu'un incendie qui s'était déclaré dans la gendarmerie voisine ravagea l'édifice et les collections qu'il abritait. Dès l'année suivante, Émile Boeswillwald proposa donc un nouveau projet de restauration. Il fut décidé que la gendarmerie serait détruite et que Prosper Morey construirait à son emplacement une École Supérieure tandis qu'Émile Boeswillwald s'occuperait du Musée lorrain.

Bien que le nouveau projet de restauration d'Émile Boeswillwald s'appuya sur ce qu'il avait fait les années précédentes, des modifications importantes sont à noter (Thierry Dechezleprêtre & Marie Gloc, 1998, p. 38-39). Pour éviter de nouveaux sinistres, il fut décidé de remplacer la charpente en bois, détruite, par une nouvelle qui soit métallique. La démarche est comparable à ce qui se faisait à l'époque sur les chantiers de restauration de cathédrales comme celles de Laon, de Rouen ou de Paris. Grâce aux subventions des Monuments Historiques et à la générosité de François-Joseph, empereur d'Autriche et descendant des ducs de Lorraine, il fut même possible d'aller plus loin qu'auparavant en rétablissant la flèche de la tour de l'horloge ainsi que les riches décors de la toiture. Ces nouveaux travaux s'achevèrent en 1880.

 

L'aile Antoine le Bon après l'incendie de 1871 (cliché Musée lorrain)   La charpente moderne de l'aile Antoine le Bon (cliché Baudouin Architecte)


L'aile Antoine le Bon n'a pas connu de modifications majeure depuis les grands chantiers du XIXe siècle. Considéré comme l'écrin du Musée lorrain, l'édifice a patiemment été entretenu et protégé lorsque les circonstances l'exigeaient. Ainsi, la porterie fut, comme d'autres monuments nancéiens, protégés lors des bombardements de la Grande Guerre. Par chance, aucune bombe allemande ne toucha le musée (la basilique Saint-Epvre fut moins chanceuse). La pollution et les aléas météorologiques, dont la tempête de 1999, endommagèrent davantage l'édifice et ses ornements. Pour cette raison, une vaste rénovation fut menée de 2005 à 2012 sous la direction de l'architecte en chef des Monuments Historiques Pierre-Yves Caillault. Entreprise dans le contexte plus large de la modernisation du Musée lorrain, cette restauration a non seulement redonné son lustre à l'édifice, mais elle a également entraîné des découvertes archéologiques permettant de rétablir la polychromie originelle du vestibule et du portique.

 

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