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Palais ducal de Nancy

8 février 2020

Nouveautés

Les dates de publication des articles de ce blog étant modifiées pour qu'ils apparaissent dans un ordre voulu, nous mentionnerons ici les modifications importantes. Modifications et ajouts concernant l'intérieur de l'Aile René II au début du XVIIIe siècle...
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18 juillet 2019

Présentation

Présentation
Le palais des ducs de Lorraine est un édifice incontournable de Nancy. Souvent relégué dans l'ombre de la célèbre Place Stanislas, il fut pendant des siècles le lieu où se joua l'histoire des duchés lorrains. Tour à tour forteresse médiévale, palais renaissance,...
18 juillet 2019

(Bref) historique du Palais ducal

(Bref) historique du Palais ducal
Mise à jour (12/06/2020) Les ducs de Lorraine ont fait de Nancy leur résidence du XIe au XVIIIe siècle. Les édifices princiers ont été nombreux et variés tant sur le plan de l'usage que du style architectural. De plus, plusieurs lieux de la ville ont...
24 juin 2020

I- Historique du couvent

Mise à jour (24/06/2020

 

La fondation de René II

La fondation du couvent des Cordeliers de Nancy est une conséquence de la victoire de René II sur Charles le Téméraire en 1477. Dévastée par la guerre, la capitale lorraine fit l’objet d’une reconstruction visant à lui donner un éclat nouveau, digne de l’Etat moderne que le duc entendait créer. Les fortifications furent réparées et modernisées, les routes pavées, le palais reconstruit et plusieurs fondations faites comme la chapelle de Bonsecours. C’est dans ce contexte d’intense activité urbaine que René II décida de créer un couvent franciscain dans sa capitale. Cet ordre mineur était alors en pleine expansion dans l’espace lorrain comme en témoigne leur installation à Mirecourt, Raon, Briey, Bar, Rembercourt, Ornes et Château-Salins (Sylvain Bertoldi, 1990, p. 271). Le duc guerroyant en Italie, c’est sa mère Yolande qui se chargea d’installer quatre religieux dans  un oratoire à Nancy (Francine Roze, 1998b, p. 161). Le 12 avril 1482, lors d’une cérémonie en la collégiale Saint-Georges elle donna solennellement la clé de la maison qui leur était destinée au frère Jean Dervin. L’édifice, situé au nord du palais, était anciennement la propriété de Jean Symier, ancien argentier de la couronne.

Le tombeau de René II en 1728 (cliché AM Nancy)

Cet oratoire n’avait qu’un but provisoire : la fondation du couvent définitif nécessitait d’importantes démarches. Il fallait tout d’abord l’aval des autorités ecclésiastiques. Le 3 août 1482, une bulle du pape Sixte IV autorisa la création du couvent sous réserve que le duc pourvoit dignement à l’installation des Cordeliers. Les oppositions furent plutôt locales car le chapitre de Saint-Georges et les prieurs en charge de Notre-Dame et des Dames Prêcheresses virent d’un mauvais œil cette concurrence nouvelle (Abbé Guillaume, 1851, p. 11). Leur action retarda l’application de la bulle pontificale qui ne fut promulguée que le 9 avril 1484. René II ne semble pas s’être formalisé de l’hostilité soulevée par son projet. Dès 1481, il avait fait démolir plusieurs bâtiment au nord du palais, à l’emplacement où devait être construit le couvent. Ainsi disparurent les anciens locaux servant d’écuries, de jeu de paume ou d’hôtel de la monnaie (Francine Roze, 2006, p. 149).  Des propriétés privées furent également acquises et détruites pour libérer de l’espace. Il y avait notamment une auberge à l’enseigne de « La Licorne » qui appartenait alors à un certain Jean Perrin (Francine Roze, 1998b, p. 162). Les travaux proprement dits furent rapides. L’église était alors plus petite qu’aujourd’hui avec seulement quatre travées et une abside pentagonale (Sylvain Bertoldi, 1990). Elle n’était pas non plus pourvue de voûtes. En revanche, plusieurs verrières de grand prix, réalisées par Pierre Hemmel d’Andlau, l’ornait. Finalement et bien que les bâtiments conventuels soient encore inachevés, on put procéder à la consécration de l’église. Le 29 avril 1487, Jacques Divoix, suffragant de l’évêque de Toul, la dédia à l’Annonciation de la Vierge Marie, à Saint Nicolas et à Saint René. Les patronages montrent clairement la dimension politique de cette fondation. Outre le saint dont il porte le nom, le duc manifestait sa déférence envers le patron de la Lorraine. Quant à l’Annonciation, elle avait une place de choix dans l’emblématique du prince dont elle ornait la bannière.

Durant les années qui suivirent, la faveur des Cordeliers auprès du duc ne fit que croître. Il embellit leur couvent et le dota d’une bibliothèque destinée à devenir une des plus importantes de la ville. De plus, il choisit l’un d’eux comme son confesseur et voulut disposer d’une cellule personnelle, que l’on appela « la chambre du roi » (Francine Roze, 1998b, p. 163). A sa mort, il voulut être inhumé dans l’église qu’il avait fondé plutôt que dans la collégiale de ses ancêtres. Sa famille lui érigea un magnifique mausolée. L’action de René II dans la création et le développement des Cordeliers de Nancy est majeure. De surcroît, elle poussa l’entourage du prince à l’imiter. De nombreux notables de la cour firent des donations au couvent et voulurent y reposer.

 

L’âge d’or

Successeur de René II sur le trône ducal, Antoine le fut également dans son rôle de protecteur du couvent. Un exemple révélateur de ce lien entre le prince et les religieux fut la construction, en 1514, d’une galerie reliant le palais à l’église (Francine Roze, 2006, p. 149). La renommée des Cordeliers de Nancy était telle que l’édifice des années 1480 était désormais trop exiguë. Ce phénomène est assez courant dans l’histoire architecturale des ordres mendiants. Conséquemment, le duc lança de grands travaux qui, entre 1520 et 1525, métamorphosèrent  l’édifice (Sylvain Bertoldi, 1990). L’église fut prolongée de deux travées dotées de chapelles latérales. Un nouveau portail, affichant fièrement les armoiries d’Antoine, fut édifié. A l’intérieur, on posa des voûtes, étoilées de liernes et de tiercerons, reposant sur des pilastres. La décoration fut particulièrement soignée : les remplage des baies fut modernisé et de nombreux vitraux vinrent peu à peu les habiller. Dans le même temps, des peintures murales embellirent les voûtes et les murs des chapelles. Les bâtiments conventuels ne furent pas oubliés. Outre des réfections ponctuelles dans le cloître, Antoine fit réaliser vers 1541-1542 une magnifique fresque dans le réfectoire des frères. Il s’agissait une copie de la célèbre Cène de Léonard de Vinci par le peintre lorrain Hugues de la Faye. La qualité de cette peinture fut cause qu’elle passa jusqu’au XIXe siècle pour une œuvre du maître italien en personne.

Les Cordeliers vue par Claude Deruet, 1664 (cliché AMN, détail)

La mort du duc Antoine marqua une pause dans les libéralités princières envers le couvent. Le règne éphémère de François Ier et la difficile régence qui suivit fit passer au second plan l’embellissement du sanctuaire. De fait, aucun de ces deux ducs n’eut de monument funéraire. Le retour de Charles III dans ses Etats en 1533 changea cet état de fait. Cependant,  il semble n’avoir ordonné de grands travaux qu’après plusieurs décennies. En 1586, il fit refaire la toiture de l’église et de son clocher. Surtout, il fit exhausser les bâtiments conventuels d’un étage (Francine Roze, 1998b, p. 165). Le but était de pouvoir loger les religieux de passage et d’être en mesure d’accueillir les chapitres généraux et provinciaux de l’ordre. En ce sens, le développement du couvent allait de pair avec celui de la capitale lorraine. Entre temps, l’église continuait d’accueillir de nouvelles sépultures princières. Celles de la lignée de Mercoeur, issue de Nicolas, fils cadet du duc Antoine, donnèrent lieu à de somptueux tombeaux. Poursuivant cette démarche, Charles III voulut à la fin de sa vie être inhumé dans une nouvelle chapelle, la chapelle ronde, qui serait construite contre l’église conventuelle. Il n’eut pas le temps de l’ériger mais son fils Henri II se chargea de la construction (Pierre Sesmat, 2009, p. 159-161). L’essentiel du gros œuvre fut fait de son vivant mais il ne put s’occuper de l’ornementation.

 

De la guerre de Trente Ans à la Révolution

La mort d’Henri II marqua le début du déclin de la Lorraine ducale. Aux querelles dynastiques succéda la guerre contre la France. Dans un tel contexte, le couvent déclina lui aussi. Les efforts de François II, puis de Charles IV,  permirent de poursuivre  un temps les travaux de la chapelle ronde mais ils durent finalement être arrêtés (Pierre Sesmat, 2009, p. 163-164). L’exil des princes eut de lourdes conséquences : privé de leur soutien financier et malgré une certaine bienveillance de l’occupant, les religieux furent dans l’incapacité de faire face aux travaux d’entretiens. Aussi le couvent se délabra-t-il. Ils en vinrent à vendre des objets de culte pour faire face à leurs difficultés (Francine Roze, 1998b, p. 166-167). Le retour de la dynastie ducale, en la personne de Léopold, eut lieu en 1699. Il reprocha, dans un premiers temps, aux religieux la vente du mobilier avant de les y autoriser, par pragmatisme, pour financer la restauration de leur église. L’activité du duc en faveur du couvent fut inégale et, en définitive, discutable. Il n’acheva pas la décoration de la chapelle ronde et détruisit la majeure partie de l’abside pour lui substituer un nouveau chœur plus vaste, mais rompant l’harmonie du monument. Une médaille de Ferdinand de Saint-Urbain fut frappée pour commémorer cette construction (Henri Lepage, 1867, p. 107-108). Très rare, elle porte l’effigie de Léopold accompagné d’une inscription mettant en parallèle ses travaux à ceux qu’avaient réalisé René II. Dans le cadre du réaménagement de l’aile Charles III pour y établir des logements, Léopold fut aussi amené à reconstruire la galerie permettant de communiquer entre les deux bâtiments. Ce bâtiment prix le nom de « pont Léopold ».

Plan du projet Gentillâtre-Demange (cliché AM Nancy)

Paradoxalement, c’est François III qui, après son départ définitif de Lorraine, se préoccupa le plus de la fondation de René II. Dès 1738, il institua des services religieux en mémoire de ses prédécesseurs et donna la somme considérable de six mille livres pour restaurer l’édifice (Francine Roze, 1998b, p. 167-168). Avec ces subsides, une aile fut ajouté au couvent l’année suivante. Plus tard, en 1743, la destruction de la collégiale Saint-Georges motiva le transfert des cendres des ducs qui y étaient inhumés (Pierre Marot, 1951, p. 103-104). François, qui coiffera deux ans plus tard la couronne impériale, apprit à cette occasion le mauvais état de la chapelle ronde, restée inachevée depuis la guerre de Trente Ans. Il résolut d’achever la nécropole de ses ancêtres. Les travaux furent confiés à Nicolas Jadot, peintre lorrain qui l’avait suivi à Florence puis à Vienne. L’ancien duc institua également des messes quotidiennes qui complétèrent les solennités annuelles. L’état des bâtiments conventuels devait pourtant être inégal car, le 5 mai 1751, une partie du cloître s’effondra, tuant plusieurs religieux et détruisant plusieurs tombeaux dont celui de Jacques Callot. Une polémique éclata alors car des voix hostiles prétendirent que les frères avaient volontairement retiré cette sépulture illustre (Abbé Guillaume, 1851, p. 15-18). Incapable de faire face aux sommes nécessaires à la reconstruction, les Cordeliers firent à nouveau appel à leur ancien maître qui la finança. Bien que n’étant pas lié à la Maison de Lorraine, Stanislas ne manqua pas, lui aussi, de favoriser le couvent nancéien (Francine Roze, 1998b, p. 168-169). Il étendit leur terrain au sud jusqu’au pavillon des officiers et à l’est jusqu’aux casernes aménagées dans l’ancien opéra de Bibiena. C’est peut-être aussi sous son règne, ou peu après, que les architectes Gentillâtre et Demange proposèrent d’agrandir l’église au détriment de la salle du chapitre. Ce projet, connu par un unique plan, resta sans lendemain (AM Nancy, M.4 1.2/2 ; Francine Roze, 1998b, p. 169).

Outre les travaux réalisés et extensions réalisés grâce à l’empereur ou au roi de Pologne, les décennies qui suivirent le départ de la dynastie ducale furent scandées par les funérailles de la veuve et des enfants de Léopold et par le transfert des cendres de membres de la Maison de Lorraine. En outre, les Cordeliers reçurent occasionnellement la visite des princes nés de l’union de François avec Marie-Thérèse. Celle de la dauphine Marie-Antoinette fut sans doute la plus marquante. Ainsi, la dimension de lieu de mémoire de la Lorraine indépendante, qu’avait prit le couvent, ne fit que croître.

 

Déchéance et restauration

 La Révolution eut de lourdes conséquences sur le couvent des Cordeliers (Pierre Marot, 1951, p. 109-110). En 1792, les frères furent expulsés et les bâtiments ainsi libérés transformés en une maison de détention. L’argenterie fut envoyée à la fonte, les tombeaux détruits et les corps qu’ils abritaient jetés dans une fosse du cimetière de Boudonville. Les armoiries, peintures et autres vitraux furent vandalisés. Seules quelques sculptures jugées remarquables, comme celles du tombeau du cardinal de Vaudémont, furent conservées. L’envoyé de l’empereur, chargé d’achever le rassemblement des sépulture princières dans la chapelle ronde, dut se cacher chez des particuliers pendant six ans pour éviter la guillotine. Les bâtiments eux-mêmes manquèrent d’être rasés (Francine Roze, 1998, p.45). En 1798, on envisagea de détruire l’église pour percer une nouvelle rue dans l’axe de la nef. Ce projet n’aboutit pas et on ne procéda pas non plus à la vente du couvent comme bien national par manque d’acquéreur. On se borna à louer ces locaux à divers particuliers. En 1806 le projet de percement de rue refit surface. Il s’agissait cette fois de détruire la majeure partie de l’ensemble conventuel.

La Pompe funèbre de 1826 (cliché Bibliothèque nationale d'Autriche)

La victoire des coalisés sur Napoléon eut pour conséquence la venue de l’empereur d’Autriche à Nancy. Le petit-fils de François III décida de faire pression sur le gouvernement de Louis XVIII pour que la chapelle funéraire des ducs de Lorraine soit restaurée. Les autorités françaises acquiescèrent mais s’efforcèrent de limiter les frais (Pierre Marot, 1951, p. 111-112). Après avoir envisagé la création d’une simple chapelle ducale dans la cathédrale, le gouvernement céda et confia les travaux à Nicolas Grillot. Il donna à la chapelle l’aspect qu’elle a aujourd’hui, digne mais loin de la richesse ornementale d’avant la Révolution. Dans le même temps, l’église fut restaurée au frais de la ville et on y plaça divers monument funéraires provenant d’autres églises mais liés à la famille ducale. Ce fut le cas des tombeaux de Vaudémont et de Belval ou du gisant de Philippe de Gueldre provenant de Pont-à-Mousson. On installa également les stalles de l’abbaye de Salival dans le chœur de Léopold. Si la vocation cultuelle et patrimoniale de l’église et de sa chapelle triomphait, les bâtiments conventuels étaient, quant à eux, devenus une école depuis le début des années 1820 (Francine Roze, 1998, p.46-48). Cette utilisation des locaux, qui apporta de nombreuses modifications structurelles et la destruction de la Cène d’Hugues de la Faye, allait durer jusqu’en 1973. Le 9 novembre 1826, les travaux étaient terminés et les cendres princières, tirées de la fosse de Boudonville, furent réintégrées dans leur chapelle au cours d’une grande cérémonie expiatoire. Organisée pour clore les désordre révolutionnaire et affirmer le principe de légitimité, elle marqua surtout l’essor du lotharingisme qui allait marquer le XIXe siècle.

La fondation de la Société d’Archéologie Lorraine en 1848 concerna en premier lieu l’aile Antoine le Bon, avec sa galerie des cerfs qu’elle entendait réhabiliter dans le cadre d’un musée historique. Les érudits lotharingistes n’en oublièrent pas pour autant l’église des Cordeliers où plusieurs monuments commémoratifs furent élevés à la gloire de Charles V et de Léopold. Les visites de l’archiduc Maximilien, en 1856, puis de François-Joseph, en 1867, favorisèrent les derniers transferts funéraires et renouvelèrent les liens entre les Habsbourg-Lorraine et leur ancienne capitale (Jean-François Thull, 2017). La fin des années 1930 fut marquée par une restauration complète de l’église. Outre les murs qui furent décapés de leurs nombreux badigeons, on retira le mobilier du XIXe siècle jugé médiocre (Pierre Marot, 1953, p. 82-83). C’est avec cette nouvel disposition que la vieille église fut le théâtre, en 1951, du mariage de l’archiduc Otto de Habsbourg-Lorraine avec la princesse Regina de Saxe-Meinigen (Pays Lorrain, 1951, p. 152-160).

La dernière évolution d’importance fut le transfert, entre 1973 et 1986, des bâtiments conventuels sous la direction du Musée lorrain. Depuis cette époque, ils abritent les collections  d’Arts et Traditions populaires. Quant à l’église, dont la chapelle a été restaurée entre 2003 et 2008 par l’Agence Pierre-Yves Caillault, elle a depuis 2018 une importance particulière. Le musée étant fermé pour cinq ans dans le cadre de sa rénovation, elle demeure ouverte pour présenter un choix d’œuvres emblématiques (exposition Nancy, capitale des ducs de Lorraine)

 

Musée des Arts et traditions populaires installé dans le couvent des Cordeliers (cliché personnel ; 2017)

 

22 mars 2020

III- C- Décoration de l'église - Vitraux

Mise à jour (27/05/2023)

 

Le visiteur pénétrant dans l’église des Cordeliers s’arrête généralement un instant devant la rose du portail ornée des armoiries des ducs de Lorraine. Cette belle composition réalisée au XIXe siècle tranche vivement avec les losanges de verre blanc qui habillent les autres verrières du bâtiment. Pourtant, l'impression actuelle est trompeuse car l’intégralité des baies de l’églises était ornée de vitraux jusqu’à la guerre de Trente Ans. Il n’en reste guère que quelques fragments, des mentions archivistiques et des témoignages trop lacunaires. Surtout, nous disposons de la gravure de Friedrich Brentel dans la Pompe funèbre de Charles III sur laquelle l’artiste a représenté la majeure partie des verrières du chœur et du mur septentrional de l’église. Cette documentation, toute imparfaite qu’elle soit, permet de se représenter, dans une certaine mesure, cette part si importante de la décoration de l’édifice.

 

Enterrement de Charles III par Friedrich Brentel (cliché BnF)

 

Précisons d’emblée qu’il nous semble que le schéma de situation des verrières donné par Michel Hérold comporte une erreur causé par l’allongement du chœur sous Léopold (Michel Hérold, 1984, fig. 3). En effet, l’église des Cordeliers dans sa disposition antérieure comptait six travées plus l’abside à cinq pans. Le passage conduisant à la chapelle ronde s’ouvre sur la partie de cette abside qui est conservée. La première travée de la nef est donc celle qui apparaît aveugle au nord sur la gravure de Friedrich Brentel et qui abrite sur son mur sud le tombeau de René II. Cette confusion entraîne l’ajout d’une travée inexistante. Voici ci-dessous la numérotation des verrières d’après le schéma de Michel Hérold (A) et notre proposition tenant compte de ces remarques (B). Toutes les verrières sont notés, celles documentées étant encadrées.

 

Numérotation des baies

 

Les verrières princières

Les Cordeliers jouirent d’une relation privilégiée avec leur fondateur et sa famille. Un élément de cette proximité fut l’important mécénat princier qui se développa sous les règnes de René II et de son fils Antoine à l’égard de ce couvent. De fait, il est probable que la moitié des verrières posées dans l’église des Cordeliers aient émané de la famille ducale. Plusieurs ensembles apparaissent : les plus anciennes réalisées par Pierre Hemmel d’Andlau, celle liée au tombeau de René II, celles des couples ducaux et, enfin, celles des princes de Lorraine.

 

Les verrières de Pierre Hemmel d’Andlau (1484-1486)

Les plus anciens vitraux des Cordeliers sont aussi, à notre connaissance, ceux créés par le plus grand artiste qui ait œuvré dans l’église. Il s’agit de Pierre Hemmel d’Andlau. Cet artiste alsacien fut à la tête d’un regroupement de quatre maîtres verriers qui diffusèrent le vitrail « à la façon de Strasbourg » (Strossburger Finster) dans une grande part du monde germanique (Michel Hérold, 1997, p. 97). Sans être exhaustif, on notera sa participation aux chantiers des cathédrales de Strasbourg, Metz, Ulm, Augsbourg, Fribourg et Milan. C’est donc à un artiste de premier plan que s’adressa la famille ducale au début des années 1480. Grâce aux archives comptables, nous savons que trois verrières sont à son actif à Nancy. En raison de sa renommée européenne, Pierre d’Andlau fut payé plus de 170 florins soit quatre fois plus qu’un artiste local tel que Georges Millereau (Michel Hérold, 1997, p. 100-101 et annexes). La volonté d’attractivité est manifeste. Pourtant, le maître ne séjourna que peu dans la cité ducale. Les vitraux furent probablement fabriqués dans l’atelier de Strasbourg, Pierre d’Andlau se bornant à une visite préliminaire pour rencontrer les donateurs et voir l’église et un second séjour lors de la pause des verrière (Michel Hérold, 1984, p. 168).

 

Emplacement des verrières de Pierre d'Andlau (plan de l'auteur)

Sur les trois verrières de Pierre d’Andlau, deux peuvent aisément être situées dans l’édifice. Il s’agit de la baie axiale, offerte par Yolande d’Anjou, et la baie du portail, financée par René II. Celle-ci, dont l’apparence nous est inconnue, fut détruite vers 1520-1525 lorsqu’Antoine ajouta deux travées à l’église. Reste la dernière qui ne se trouvait pas dans l’église proprement dite mais dans la sacristie attenante. Un mandement du 27 novembre 1486 montre qu’elle fut la dernière réalisée (Michel Hérold, 1997, p. 101 et annexes). On suppose d’ordinaire que la sacristie (ou revestiaire) était située à l’emplacement où, plus tard, fut érigée la chapelle ronde. Le vitrail aurait par conséquent été détruit lors des travaux. Ceci reste néanmoins une hypothèse qui peut être débattue. En effet, le verrier Jean Martin fut chargé en 1613 de réparer divers vitraux de l’église. Il devait également réaliser trois verrières pour la sacristie et réparer celles existantes (Abbé Guillaume, 1851, n. 81). Cette mention contemporaine de l’achèvement des travaux de la chapelle ronde pourrait suggérer que l’ancienne sacristie existait toujours et avait conservé au moins une part de ses verrières.

 

Le vitrail réalisé par Pierre d’Andlau qui soit le mieux documenté est en définitive celui qui fut offert par la mère de René II, Yolande d’Anjou (baie 0). Situé dans l’axe de l’église derrière le maître-autel, il est visible sur la gravure de Friedrich Brentel. Le sujet est peu original puisqu’on y voit une scène de Crucifixion. De part et d’autre de la Croix se trouvent la Vierge et Saint Jean tandis que les ajours du tympans figurent des anges. Comme Michel Hérold l’a souligné, la présence sur la gravure d’un fond en losange semble une liberté de l’artiste. Conformément aux habitudes de son temps, Pierre d’Andlau avait vraisemblablement placé les personnages sur un fond damassé. Un des rares fragments de vitrail conservé au Musée lorrain corrobore cette remarque (Inv. 2007.0.4774 ; Paul Frankl, 1956, p. 98, Michel, Hérold 1997, p. 104-106). Il s’agit d’une tête de lancette où un dais d’architecture arborescent se détache d’un fond damassé rouge. Le motif « à l’œillet » étant caractéristique des damas strasbourgeois, il y a tout lieu de penser que ce fragment provient d’une des trois verrières de Pierre d’Andlau. Celle de Yolande d’Anjou ne fut détruite qu’au XVIIIe siècle. On peut donc supposer que c’est à celle-ci qu’il appartenait.

 

Baie 0 sur la gravure de Friedrich Brentel (cliché BnF)   Tête de lancette attribuée à Pierre d'Andlau (cliché personnel, 2016)

 

Les Crucifixions réalisées par Pierre d’Andlau pour l’église des Franciscains à Colmar vers 1470 et pour l’église Saint-Pierre et Saint-Paul à Obernai vers 1495 offrent d’excellents parallèles. Bien qu’ils aient été très restaurés au XIXe siècle, ces vitraux montrent une composition semblable à celle que l’on peut supposer pour Nancy. Le Christ est sur la lancette centrale, les bras de la Croix dépassant sur les baies latérales. Il est flanqué de la Vierge à gauche et de Saint Jean à droite. Tous reposent sur un sol représenté et se détachent sur un fond damassé bleu. Au-dessus se trouvent une composition architecturale qui, à Colmar, monte jusqu’au sommet de la baie. Le fragment du Musée lorrain atteste l’existence du dais non représenté par Friedrich Brentel et sa couleur rouge montre que le damas était de cette couleur, au moins dans la partie supérieure. Il est tout à fait envisageable qu’en dessous du dais, le fond ait été bleu.

 

Vitrail de Colmar (cliché commons.wikimedia.org)   Vitrail d'Obernai (cliché commons.wikimedia.org)

 

Par son emplacement dans l’église, l’importance de son sujet et la renommée de son créateur, le vitrail offert par Yolande d’Anjou était une des œuvres les plus intéressantes des Cordeliers de Nancy. On ne peut que regretter sa destruction lors de l’allongement du chœur sous Léopold. Heureusement, la documentation disponible et les parallèles de Colmar et Obernai permettent une reconstitution assez vraisemblable de l’ensemble. De plus, la partie supérieure du remplage existe toujours, emmurée dans les combles de la sacristie construite au XVIIIe siècle (Etienne Martin & Pierre-Hippolyte Pénet, 2022, p.30 et Fig. 19).


La verrière du mausolée de René II (1510)

Nous n’avons pas trace d’autres verrières installées dans l’église du vivant de René II. Les choses changèrent à sa mort car Georges Millereau fut chargé de concevoir une verrière pour la baie 6 (Michel Hérold, 1984, p. 162). Cette réalisation, pour laquelle il gagna 11 florins, doit se comprendre dans le cadre de l’édification du tombeau du duc défunt. Celui-ci, érigé contre le mur de cette travée, comportait un sarcophage de bronze, l’enfeu qui existe toujours et, au-dessus la verrière confiée à Georges Millereau. Bien que celle-ci ait été détruite à la Révolution, le remplage de la baie existe toujours. Il est particulièrement intéressant car il s’agit du seul datant du XVe siècle. Toutes les autres baies ont été refaites lors de l’agrandissement de l’église sous Antoine (Sylvain Bertoldi, 1990, p. 277). Ce point est intéressant car il offre un repère chronologique. L’enfeu masquant partiellement la vue, il est préférable de se placer dans la rue Jacquot pour observer la baie. Elle se compose de quatre courtes lancettes, d’un quadrilobe et de deux mouchettes.

 

Baie surplombant l'enfeu de René II (cliché personnel, 2017)

 

Les archives comptables ne précisent malheureusement pas le programme décoratif. Nous devons donc nous appuyer sur le témoignage de l’abbé Lionnois (1811, p. 114-115). D’après lui, les ajours du tympan auraient contenus une composition héraldique. Dans la partie centrale du quadrilobe se serait trouvées les armes pleines de René II tandis que les lobes et les écoinçons auraient détaillés les différents quartiers. Les lancettes, quant à elles, aurait été partiellement lisibles à son époque. De gauche à droite, il observait :

  • Saint Georges, en chevalier portant les armes lorraines sur son surcot et sa bannière.
  • René II en position d’orant devant une prie-Dieu drapé de vert. Il portait son costume de souverain avec une soubreveste verte et le manteau ducal au camail d’hermine. Le prince se détachait sur un fond d’azur semé de lys d’or.
  • une scène montrant une apparition de Saint Jean-Baptiste à René II et son épouse représentés alités. Elle commémorerait une guérison miraculeuse obtenue grâce à l’intercession de ce saint.
  • la dernière lancette était illisible.

 

Armoiries de René II de 1500 à sa mort

Ce témoignage appelle des commentaires, non par défiance envers l’abbé Lionnois mais parce que son témoignage est tardif. Il n’est donc pas certain qu’il ait vu la baie telle que l’avait conçu Georges Millereau. Tout d’abord, il faut relever la présence de Saint Georges à l’extrême-gauche de la composition. Elle ne surprend pas puisqu’il est le patron des chevaliers et que la collégiale princière située non loin lui est dédiée. C’est donc un saint couramment invoqué par les ducs de Lorraine et on peut le voir à deux reprises sur les vitraux de la basilique de Saint-Nicolas-de-Port. Ici, la figure de Saint Georges sur le vitrail fait écho à celle en relief sur la partie haute de l’enfeu. Le verrier a cependant ajouté une emblématique lorraine qui n’est pas présente en dessous. On peut se demander si la lancette de droite, illisible à l’époque de l’abbé Lionnois, ne figurait pas Saint François comme sur l’enfeu. La présence des deux saints encadrant le monument funéraire et la verrière qui lui est associée serait parfaitement cohérent. En revanche, la scène de prière de la deuxième lancette semble étrange. René II ne devrait-il pas être face à une représentation du Christ ou de la Vierge ? De plus, une composition semblable fut, comme nous le verrons, installée plus tard sur une autre baie du chœur. Une redondance n’est pas à rejeter par principe mais à l’époque de l’abbé Lionnois, cette autre verrière n’existait plus. Ces deux remarques nous poussent à croire que la deuxième lancette porte un vitrail étranger à la composition originale. Epargné lors de la reconstruction du chœur, le portrait de René II aurait été placé dans la verrière surplombant son tombeau, peut-être en remplacement de vitraux endommagés. Si notre hypothèse est juste, le témoignage de l’abbé Lionnois permet une meilleure connaissance de cette autre verrière. Nous y reviendrons. Reste que la deuxième lancette serait alors parfaitement inconnue. Peut-être portait-elle, comme sa voisine, une scène de la vie du prince en lien avec sa vie religieuse. En 1519, François le verrier et son collègue Honoré effectuèrent des réparations sur le vitrail (Michel Hérold, 1982, p. 168-169). Il est explicitement fait mention du visage du feu duc. Le portrait en question serait donc celui de la troisième lancette ou un qui nous est inconnu sur la deuxième.

 

Les verrières du chœur

La gravure de Friedrich Brentel montre qu’en 1608, trois verrières de l’absides au moins étaient consacrées aux souverains lorrains (Michel Hérold, 1982, p. 160-161). On trouve ainsi René II représenté dans la baie 1, Philippe de Gueldre dans la baie 2 et Antoine dans la baie 3. La baie 4 n’est pas visible mais on peut supposer qu’elle figurait Renée de Bourbon, l’épouse d’Antoine. Nous savons en effet qu’en 1629, le verrier Jean Martin rénova les verrières du chœur de l’église « là où sont représentés les princes et princesses » (Abbé Guillaume, 1851, p. 33). Le pluriel suggère la présence des deux duchesses. La représentation de ces deux couples princiers n’est d’ailleurs pas surprenante car on la retrouve dans la cathédrale de Metz où elle fut réalisé par Valentin Bousch en 1523 sur les ordres du cardinal Jean de Lorraine. C’est sans doute à la même époque que les verrières du chœur des Cordeliers furent faites, à l’issue des travaux ordonnés dans l’église par le duc Antoine.

 

Vitraux du choeur sur la gravure de Friedrich Brentel (cliché BnF)

 

Avant de nous intéresser à chacune de ces verrières, notons qu’elles ont sont de composition semblable. Le registre inférieur est consacré à l’emblématique du personnage. Celui-ci est figuré en orant au registre médian, accompagné de personnages debout. Plus haut se distingue un décor architecturé fait de coquilles, de bustes à l’antique et de gâbles gothiques dans les têtes de lancettes. Enfin, les ajours du tympan sont peuplés d’anges. Tous ces éléments s’inscrivent dans la première Renaissance qui rayonna en Lorraine pendant la première moitié du XVIe siècle (Michel Hérold, 1982, p. 170). L’observateur de la gravure est frappé par l’absence d’une orientation commune vers la baie axiale : René II est bien tourné vers elle mais pas Antoine et Philippe de Gueldre. A moins de supposer une erreur grossière de l’artiste, il faut admettre que chaque verrière avait sa dynamique propre. Ce point aura son importance pour les interpréter.

 

Baie 1 sur la gravure de Friedrich Brentel (cliché BnF)

     René II (baie 1)
Le fondateur du couvent est représenté tourné vers la droite, dans le registre médian de la lancette centrale. Il porte visiblement le costume ducal et sa couronne est bien visible. Si notre hypothèse voulant que ce portrait soit celui que l’abbé Lionnois a vu au-dessus du tombeau de René II est juste, nous pouvons être plus précis. Le prince portait un habit vert et son manteau ducal or au large col d’hermine. Un prie-Dieu drapé de vert se tenait devant lui. Il n’est pas représenté par Friedrich Brentel sur cette verrière mais on en voit peut-être un sur celle de Philippe de Gueldre. L’abbé Lionnois parle aussi d’un fond azur semé de fleurs de lys. La mode de l’époque était plutôt aux fonds damassés mais on a pu vouloir mettre en avant le titre de « Roi de Sicile » que se donnait René II. Le duc est flanqué de deux saints que l'on peut supposer être Saint René et Saint François d'Assise (Michel Hérold, 1982, p. 161 ; Etienne Martin & Pierre-Hippolyte Pénet, 2022, p.31).

Le registre emblématique est moins difficile à interprété. Au centre se trouve un écu couronné aux armes du prince. A gauche figure le monogramme PR commun au duc et à son épouse. Enfin, la lancette de droite montre un dextrochère armé. Cet emblème se retrouvera également sur les autres verrières du chœur.

 

Baie 2 sur la gravure de Friedrich Brentel

     Philippe de Gueldre (baie 2)
La duchesse est représenté dans la même position que son époux et la couronne qui coiffe sa tête suggère qu’elle était vêtue comme la souveraine qu’elle avait été et non la religieuse qu’elle était devenue en 1519. Le prie-Dieu devant lequel elle se tient semble être surmonté d’un objet vertical (un cierge ?). Le personnage nimbé derrière elle est sans doute Sainte Claire, fondatrice des clarisses. Michel Hérold interprétait la troisième figure comme une représentation de Saint Christophe (Michel Hérold, 1982, p. 161). C’est probablement juste et cela explique l’orientation de la composition : Philippe de Gueldre prie, tournée vers l’Enfant Jésus que tient Saint Christophe. Si on suppose une erreur de Fiedrich Brentel, il est aussi possible que la duchesse ait été tournée vers la Crucifixion centrale, présentée par Saint Philippe et Sainte Claire (Etienne Martin & Pierre-Hippolyte Pénet, 2022, p.31-32).

 

Armoiries de Philippe de Gueldre de 1500 à sa mortLes emblèmes visibles sous la scène principale sont identiques à ceux de la verrière précédente à ceci près que l’écu, losangé, est parti des armes de René II et d’Adolphe de Gueldre, conformément aux usages de l’héraldique féminine.

 

 

 

Baie 3 sur la gravure de Friedrich Brentel (cliché BnF)

     Antoine (baie 3)
La dernière verrière du chœur qui soit documentée est celle figurant le duc Antoine. Il est représenté en orant, tourné vers la gauche. Son costume est semblable que celui de son père mais le graveur semble avoir voulu représenter une barbe. Cela est notoire car si le duc de Lorraine était effectivement barbu depuis plus de dix ans, les vitraux contemporains continuaient de diffuser un portrait jeune et imberbe du prince. Derrière lui se trouve Saint Antoine et devant une représentation du Christ chargé de liens (Michel Hérold, 1982, p. 161). Encore une fois, sa présence explique l’orientation de la composition à rebours de la direction de la baie axiale.


Le registre inférieur porte comme attendu les armes d’Antoine. La division en quartiers suggère la présence des armes de Gueldre et de Juliers, et donc une datation après 1538, mais cela reste douteux. Friedrich Brentel semble avoir représenté par défaut les armoiries de son époque et on les observe donc en lien avec des personnages qui ne les ont pas porté. Le cas de René II n’est pas clair mais celui du cardinal Jean, que nous verrons plus tard, est patent. A gauche, nous retrouvons le dextrochère armé tandis qu’à droite, figure un monogramme composé de deux E accolés, devise de la Maison de Bourbon dont est issue l’épouse d’Antoine.

 

     Renée de Bourbon ? (baie 4)
Reste le cas de la verrière faisant pendant à celle d’Antoine. Comme nous l’avons dit, nous pensons qu’elle figurait son épouse Renée, portant son costume ducal. Elle était probablement accompagnée de Saint René car on retrouve la même répétition en la cathédrale de Metz. Impossible en revanche de deviner devant qui elle priait. En dessous, on trouvait sans doute des armoiries dans un écu couronné, le dextrochère et le monogramme aux doubles E.

 

Ces verrières que nous venons de décrire semblent avoir été conçues et réalisées à la même époque car leur organisation est identique. Les différences d’orientations montrent cependant qu’il n’y avait pas la volonté d’organiser l’espace vitré du chœur vers la Crucifixion centrale. Chaque verrière apparaît indépendante. D'autre part, la mention des travaux de Jean Martin en 1629 montre que les vitraux existaient encore à cette époque. La chapelle ronde étant alors construite contre le mur nord de l’abside, la verrière d’Antoine ne devait plus donner sur l’extérieur. Finalement, les travaux ordonnés par Léopold pour agrandir cette partie de l’église entraînèrent le déplacement des baies et la destruction de leur décor peint. Seul le portrait de René II fut peut-être sauvé en le plaçant dans la verrière de Georges Millereau.

 

Emplacement actuelle des baies 3 et 1 (cliché personnel, 2017)   Emplacement actuelle des baies 2 et 4 (cliché personnel, 2017)

 

Baie 17 sur la gravure de Claude Deruet (cliché AMN)

La rose du portail (1525)
Comme nous l’avons dit, le portail de l’église construite par René II fut orné d’une verrière de Pierre d’Andlau. Cette création coûteuse fut détruite sous le duc Antoine lorsque celui-ci agrandit l’église. Le nouveau portail fut orné d’une rose à sept oculi dont les vitraux furent posés en 1525 (baie 17). Ils figuraient les armes du prince entouré de ses différents quartiers (Hongrie, Sicile, Jérusalem, Aragon, Anjou et Bar). Cette composition se devine sur la gravure de Claude Deruet représentant le palais en 1664 (Michel Hérold, 1982, p. 164). Les écus y sont couronnés et accompagnés de deux palmes croisées.

Cette verrière fut sans doute détruite à la Révolution. Lors de la restauration du début du XIXe siècle, la rose fut refaite avec dix oculi mais on se borna à y installer du verre blanc. Ce n'est qu'en 1988 que, sous l'impulsion de l'architecte en chef des Monuments historiques Pierre Colas, on créa le vitrail actuel. L'oculus central, plus grand, abrite les armes ducales en usage à partir de 1538. L’écu, couronné, est au centre d’un rayonnement qui s’étend à toute la verrière. Ce choix artistique s’inspire du soleil de la rose de la basilique Saint-Nicolas-de-Port sur laquelle travaillait également l'architecte (Etienne Martin & Pierre-Hippolyte Pénet, 2022, p.248). Ce vitrail, signé du peintre maquettiste Pascal Paulin, est aujourd’hui le seul de toute l’église. En 2000, suite à un acte de vandalisme, il a fait l’objet d’une restauration par Ateliers 54, qui avait été en charge de sa réalisation. Un grillage de protection fut installé à cette occasion (François STREIFF, 2000, p. 227).

 

Rose actuelle réalisée en 1988 (cliché commons.wikimedia.org)

 

Les princes cadets
La baie 7 visible sur la gravure de Friedrich Brentel était également un don de membres de la famille ducale. Bien que composé de manière semblable à ceux du chœur, ce vitrail leur est sans doute postérieur. S’affranchissant des derniers éléments gothiques, l’artiste a remplacé les gâbles dans les têtes de lancettes par des putti. De plus, les personnages du registre médian se découpent désormais sur un paysage naturel offrant une profondeur à la scène (Michel Hérold, 1982, p. 170).

 

Baie 7 sur la gravure de Friedrich Brentel (cliché BnF)  Encadrement de l'ancienne baie 7 (cliché personnel, 2017)

 

Contrairement aux verrières précédentes, ils sont au nombre de deux. Sur la lancette centrale se trouve Jean de Lorraine, tourné vers la gauche et identifiable à son écu armorié entouré du galero. Elevé au rang de cardinal depuis 1518, il porte un costume ecclésiastique que l’on devine aisément rouge. Derrière lui se tient Saint Jean-Baptiste avec son bâton cruciforme. Le second prince est Louis de Lorraine, comte de Vaudémont de 1522 à sa mort en 1528. Il est représenté en chevalier vêtu d’une cotte armoriée et de pièces d’armures couvrant les jambes et, sans doute, les bras. Derrière lui se trouve Saint Louis, couronne en tête et portant la Sainte Couronne. Il faut s’arrêter un instant sur les armoiries de ce cadet de la maison de Lorraine. Nous savons que durant sa brève carrière ecclésiastique, il portait les mêmes armes que son père (BnF, Moulage Coll. Lorraine 1531). En retournant à la vie laïque, il dut ajouter une brisure qui, selon le Rôle d’arme de Gaignières, serait une bordure d’azur besantée d’argent (GGM, f° 80v). La gravure de Friedrich Brentel semble en accord avec cette hypothèse : la cotte porte effectivement une bordure et il est possible de la discerner également sur l’écu du registre inférieur. Celui-ci semble surmonté d’une couronne. Quoi qu’il en soit, la présence de Louis interroge. Ce vitrail fut-il réalisé avant sa mort devant Naples en 1528 ou Jean a-t-il voulu rendre hommage à son frère ? Quoi qu’il en soit, les deux princes cadets étaient représentés en prière devant un personnage de la lancette gauche. La perspective empêche de l’identifier.

 

Armoiries de Jean de Lorraine    Armoiries supposées de Louis de Lorraine après 1522

Cette verrière est intéressante à la fois pour sa modernité stylistique et parce qu’elle accentue la dimension familiale de l’église conventuelle. On peut se demander si une autre verrière n’était pas un don de Claude de Guise et François de Lambesc, les deux derniers fils de René II et Philippe de Gueldre. S’il a existé, un tel vitrail pouvait se trouver dans la baie 8 située dans la même travée. Une autre possibilité serait que seul le duc de Guise ait été représenté sur la petite baie à gauche du mausolée de René II. Malheureusement, ces hypothèses ne peut être vérifiée car la perspective ne permet pas de voir les vitraux du mur sud sur la gravure. Pour en revenir à la verrière de Jean et Louis, elle a complètement disparue mais il reste l’encadrement de la baie qui l’abritait. Elle est assez haute comme toutes celles de ce mur qui devait tenir compte de la présence du cloître au nord de l’église.

 

Verrière aristocratiques

Outre les vitraux offerts par les ducs et leur famille, l’église des Cordeliers était ornée de verrières dont les commanditaires étaient des membres de l’aristocratie lorraine. La plupart de ceux qui ont été identifiés sont des officiers ducaux dont la famille a récemment été anoblie. Leur mécénat s’inscrit donc le cadre de la fidélité à leurs princes (Michel Hérold, 1982, p. 166).

 

Vitrail de Hardy de Tillon (baie 9)
La verrière à gauche de celle du cardinal de Lorraine et de Louis de Vaudémont a été offerte par Hardy de Tillon, maître d’Hôtel de René II et Antoine. Issu d’une ancienne famille angevine, il fut également seigneur en partie de Bouxières-aux-Chênes et de Han jusqu’à sa mort en 1544.

 

 

Baie 9 sur la gravure de Friedrich Brentel (cliché BnF)   Encadrement de l'ancienne baie 9 (cliché personnel, 2017)

 

Cette identification est permise par l’écu représenté au registre inférieur. En effet, les armes de la famille de Tillon sont : de sable à deux épées d'argent mises en sautoir garnies d’or (Jean Callot, f° 15v). Ici se trouvent également au canton dextre une aigle qui est sans doute une brisure. Selon Jean Cayon, le canton serait lui-même de sable et l’aigle d’or (1853, p. 196). Notons cependant que le dessin qu’il donne est fautif car il laisse plutôt penser à un chef de sable chargé d’une aigle d’or a senestre. Quoi qu’il en soit, la source qu’il utilise n’est pas indiquée. L’écu est flanqué de deux orants dont l’un était sans doute Hardy de Tillon et l’autre, peut-être, son épouse.

 

Armoiries de la famille de Tillon   Armoiries de Hardy de Tillon  Blanc frappé à Nancy sous Antoine (cliché poinsignon-numismatique.fr)

 

La scène centrale n’est pas identifiée (Michel Hérold, 1982, p. 163). On y voit un roi assis à gauche, deux personnages embrassés et un évêque. Le décor architecturé qui les surmonte comporte trois bustes à l’antique. Les têtes de lancettes sont ornées de putti. Les ajours du tympan sont décorés de deux anges figurés sous la forme de têtes ailées et, les surmontant, un écu aux armes de Lorraine avec une épée passée en pal. Ce motif se retrouve sur des monnaies (des blancs) frappées à Nancy sous René II et Antoine.

 

Vitrail au donateur non-identifié (baie 11)
La verrière suivante a une composition semblable (Michel Hérold, 1982, p. 163). Outre le décor renaissance, on retrouve une scène historiée qui semble être la rencontre entre Saint François et le sultan Al-Kamil à Damiette. Le registre inférieur comporte deux blasons correspondant probablement à une femme et un homme. Ce dernier semble porter un écu avec une bande chargés de meubles peu lisibles. Ils n’ont pas été identifiés. 

Cette baie est aujourd'hui murée et, en 2017, son encadrement était partiellement masqué par une toile de Bruno Carbonnet (Inv. D.06.01.09.102).

 

Baie 11 sur la gravure de Friedrich Brentel (cliché BnF)   Encadrement de l'ancienne baie 11 (cliché personnel, 2017)

 

 

Baie 13 sur la gravure de Friedrich Brentel (cliché BnF)

Vitrail Claude Leclerc et de son épouse (baie 13)
Avec cette verrière, nous arrivons au-dessus des chapelles ajoutées par Antoine au début du XVIe siècle. Or, leur représentation par Friedrich Brentel est fautive car il montre une unique baie semblable à celles du reste de la nef alors que celle-ci était flanquée de deux plus petites.

La partie inférieure du vitrail porte les armoiries d’un couple aisément reconnaissable (Michel Hérold, 1982, p. 163). A gauche se trouve un écu losangé dans un chapeau de triomphe. Il est parti en 1 d’or au triangle de gueules en abîme, accompagné de trois croissants d’azur disposés deux et un (qui est de Trèves) et en 2 d’or au léopard de gueules armé, lampassé et couronné d’azur et au chef du même chargé de trois besants d’or (qui est de Le Clerc). Il s’agit donc d’une femme, Catherine de Trèves, qui a placé les armes de son père en position d’honneur à dextre. Celles de son mari, Claude Leclerc sont sur la lancette du milieu, sous un casque dont le cimier est un lion hissant et un vol portant une bande à trois besants (Armorial lorrain de la première moitié du XVIe siècle, f°52, Bnf). On notera que sur la gravure de Friedrich Brentel, les lions sont contournés. La troisième lancette porte un buste armé en médaillon.

 

Armoiries de la famille de Trèves  Armoiries de la famille Le Clerc  Armoiries de Catherine de Trèves

 

La scène centrale montre deux soldats malmenant un personnage nimbé devant un homme âgé coiffé d’un turban et portant un sceptre. Selon Michel Hérold, il pourrait s’agir d’une représentation du Christ devant Caïphe. L’apparence de celui-ci avec le supposé sultan de la baie 11 pousse cependant à se demander si ces verrières n’étaient pas liées narrativement.

 

Encadrement de l'ancienne baie 13 (cliché personnel, 2017)

 

Baie 15 sur la gravure de Friedrich Brentel (cliché BnF)

Vitrail de Didier Bertrand et de son épouse (baie 15)
Le dernier vitrail du mur nord fut offert par un couple aisément reconnaissable à ses armoiries (Michel Hérold, 1982, p. 163-164). A gauche figure Didier Bertrand, trésorier général de Lorraine, qui porte écartelé en sautoir, le chef et la pointe d'or, les flancs d'argent, à la croix pattée de sable brochant sur le tout. Son épouse, Marguerite Colart, a un écu losangé mi-parti des armes de son mari et de celles de son père soit d'or à la fasce de gueules chargé de trois roses d'argent. Ces blasons sont placés dans des chapeaux de triomphes et flanqués à gauche d’une fleur et, à droite, d’une buste casqué.

 

Armoiries de Didier Bertrand  Armoiries de Marguerite Colart

 

La scène centrale de la verrière montre le Christ outragé par les soldats dans une scène que Michel Hérold jugeait très théâtrale. Jésus est assis au centre, coiffé de la Couronne d’épine, tandis que les soldats qui l’entourent esquissent par dérision des révérences ou s’agenouillent autour de lui. La partie supérieure de la baie est, comme ses voisines, occupée par des coquilles, des médaillons à l’antique ou des anges.

 

Encadrement de l'ancienne baie 15 (cliché personnel, 2017)

 

Baie 16 sur la gravure de Friedrich Brentel (cliché BnF)

Vitrail du mur sud (baie 16)
En raison de la perspective adoptée par Friedrich Brentel, seule la lancette de gauche de la première verrière du mur sud est visible. Les blasons qui figuraient vraisemblablement au centre du registre inférieur nous sont donc inconnus. La scène centrale est bien sûr très partielle mais on y voit le Christ reconnaissable à son nimbe crucifère. Pour autant qu’on puisse en juger, il descend des escaliers tandis qu’un personnage lève le bras comme pour le montrer à d’autres. Ne s’agit-il donc pas d’un Ecce Homo ?

 

Encadrement de l'ancienne baie 16 (cliché personnel, 2017)

 

Les vitraux offerts par la noblesse lorraine ne sont que partiellement connus. On notera cependant leur composition semblable qui laisse supposer une proximité chronologique. Plus encore, on peut se demander si un cycle de la ne courait pas sur les verrières de la partie occidentale de l’église. On trouve en effet une à deux scènes devant Caïphe, un Christ outragé et le Ecce Homo. Davantage de renseignements sur ces verrières et celles des baies 12 et 14 seraient intéressants.

 

Tête de lancette aux putti (cliché personnel, 2016)

Ces vitraux du second quart du XVIe siècle ont été détruits depuis longtemps. Cependant, une tête de lancette est conservée au Musée lorrain (Inv. 2007.0.4773). Conformément à ce que nous observons sur la gravure de Friedrich Brentel, elle est ornée de putti. Au nombre de deux, ceux-ci émergent d’un décor architectural central et tiennent une guirlande végétale dorée. Le fond est composé de variantes de bleu.

 

 

 

 

Un cas tardif et mal connu : la municipalité nancéienne

Il nous reste à évoquer des vitraux marginaux et mal connus mais qui sont loin d'être inintéressants. En 1614, les frères cordeliers s'adressèrent aux institutions municipales pour obtenir une aide financière (AM Nancy, CC 48, f.° 120 v° ; Aurore Benad, 2019, p. 137-138). Il s'agissait de réparer deux verrières de l'église qui avaient sans doute souffert du temps et des intempéries. La Ville débloqua les trente-six francs nécessaires et profita de l'occasion pour faire placer sur les verrières ses propres armoiries. Nous ignorons quelles étaients les fenêtres concernées mais il est marquant de voir placé dans la nécropole ducales des armes qui ne soient celles ni des princes ni de la noblesse de leur entourage. 

 

Armes de la Ville de Nancy

 

En définitive, les vitraux de l’église des Cordeliers sont relativement bien connus. Certes, il n’en reste presque rien et certaines verrières ne sont pour l’heure pas documentés (baies 8, 10, 12 et 14 ainsi que celles des chapelles basses). Pourtant, le mécénat des ducs, de leur famille et de leurs serviteurs apparaît clairement. On observe également au fil des décennies le passage d’un art gothique à un art renaissance avec toutes les nuances attendues de cette période de transition.

 

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22 mars 2020

III- B- Décoration de l'église - Peintures murales

Mise à jour (27/05/2023)

 

Un ouvrier ayant travaillé à la réfection des enduits de mortiers de l’église des Cordeliers en 1885 disait  avoir vu des traces de peintures sur l’ensemble des murs (Gaston Save, 1897, p.12). Une petite partie seulement a subsisté. Les plus marquantes aujourd’hui sont celles ornant la voûte du chœur et les chapelles latérales à l’entrée de l’église.

 

 

Les fresques des voûtes (Friedrich Brentel 1611 ; détail)

Les voûtes

Un décor redécouvert récemment

La planche de la Pompe funèbre de Charles III montre que si la voûte de la nef était unie, celle du chœur portait une décoration peinte. Figurant des anges et des grotesques, celle-ci s’organisait sur les six quartiers entourant la clef centrale. En dépit de l’éloignement, on reconnaît aisément des séraphins et des anges portant les Arma Christi, c’est-à-dire les instruments de la Passion. On trouve ainsi tour à tour :

  • la Sainte Couronne d’épine.
  • la Sainte Lance et la Sainte Eponge placée au bout d’une branche d’hysope.
  • les Saints Clous et un objet non identifiable.
  • une étoffe portant la Sainte Face. Pierre Colas parlait de Saint Suaire mais il s’agit sans doute davantage du « voile de Véronique ».
  • la Vraie Croix
  • la colonne de la Flagellation

Les voûtes en lunettes sont moins lisibles mais apparaissent également décorés. Probablement contemporains de l’achèvement de l’édifice vers 1525, cet embellissement serait donc à mettre au crédit du duc Antoine. On suppose d’ordinaire que l’artiste est Hugues de la Faye qui peignit à la même époque la galerie des cerfs et la Cène du réfectoire du couvent, ou son successeur Médard Chuppin. 

Cette composition du début du XVIe siècle n’est pas parvenue intacte jusqu’à nous. L’agrandissement du chœur par le duc Léopold entraîna l’amputation des deux voutains orientaux et des voûtes en lunettes correspondantes. On peut supposer que par la suite, le manque d’entretien, notamment pendant la Révolution, endommagea les peintures. Pour cette raison, il fut décidé, lors de la restauration de l’église au début du XIXe siècle, de recouvrir l’ensemble des voûtes d’un badigeon blanc. Les fresques ne furent redécouvertes qu’en 1986 lors de nouveaux travaux (Pierre Colas, 1988). Leur mise en valeur récente par l’installation d’un miroir au sol permet de profiter pleinement des vestiges de ces peintures.

La voûte est peinte en bleu de colbalt, minerai dont les ducs possédaient des exploitations. Les clefs et nervures, dont les gorges ocre rouge portent un décor festonné blanc, sont bleus et ocre jaune. La structure était ainsi soulignée par la polychromie. On peut supposer qu’il en était de même dans la nef. La particularité des voûtes du chœurs reposait cependant sur les décors figurés dont elle était couverte. Nous allons donc en parler plus longuement.

 

Vue d’ensemble des fresques depuis l’ouest (cliché personnel, 2016)

 

Les anges de la Passion

Comme nous l’avons vu, la présence des anges portant les instruments de la Passion est documentée depuis longtemps par la gravure de Friedrich Brentel. La redécouverte de quatre des six voûtains de vérifier et de corriger le travail du graveur :

  • le premier ange (quartier nord-ouest), vêtu de rouge, tient les trois clous de la Crucifixion de sa main gauche. De son autre main, il semble tenir deux roseaux.
  • le deuxième (quartier nord-est), vêtu de jaune, présente quant à lui ce que nous supposons être le « voile de Véronique ».
  • le troisième (quartier sud-est), est vêtu de rouge. Il tient de ses deux mains la Sainte Couronne d’épine. Son visage est le mieux conservé.
  • le quatrième et dernier (quartier sud-ouest) a un vêtement bleu clair. Il tient deux longs bâtons que l’on peut supposer être la Sainte Lance et la branche d’hysope.

 

 Les anges de la Passion (clichés personnels, 2018)

 

Cette observation montre que le graveur a commis des erreurs concernant le placement des anges. Il est probable que la confusion a eu lieu en recopiant des croquis séparés réalisés sur place. On trouve en effet le même ordre mais inversé et ne commençant pas au même quartier : voile/clous/lance/couronne/[colonne]/[croix]. Par déduction, les deux anges manquants devaient porter la Vraie Croix (au nord) et la colonne de la Flagellation (au sud). Il n’est bien-sûr pas possible de deviner la couleur de leurs vêtements.

 

Un des séraphins rouges (cliché personnel, 2018)

Les séraphins

Outre les anges de la Passion, les voûtes figurent des séraphins. Rappelons que l’Ordre franciscain entretient des liens importants avec ces figures angéliques que Saint François aurait vu lorsqu’il fut marqué des stigmates. Pour cette raison, l’ordre, parfois qualifié de séraphique,  utilisa cet ange comme symbole. Il n’est donc pas surprenant de le retrouver ici. Conformément aux habitudes iconographiques, ils sont pourvus de trois paires d’ailes leur couvrant les corps à l’exception du visage. Ceux placés autour de la clef central sont rouge. Il s’agit là de leur couleur traditionnelle puisqu’ils sont liés au feu comme le montre l’étymologie de leur nom (seraphim signifiant « les brûlants » en hébreu).

La partie basse de chaque voûtain porte, au-dessus de grotesques, un autre séraphin, de couleur blanche. Ils portent des guirlandes et des cartouches sur lesquels se trouvent des inscriptions relatives à l’office du Saint Sacrement qui se déroulait juste en-dessous (Etienne Martin & Pierre-Hippolyte Pénet, 2022, p.49-51). Malheureusement, le logique présidant au choix et au placement des différentes citations de l’office ne permet pas de reconstituer les textes des deux cartouches manquants.

 

Les séraphins blancs (clichés personnels, 2018)

 

- Quartier nord-ouest (Antienne pour les vêpres de la Fête Dieu par Saint Thomas d'Aquin)

O. SACRV[M]. CO[N]VIV[IVM]. IN. Q[V]O

XPS [CHRISTVS]. SVMITVR. RECOLITVR.

MEMORIA. PASSIO[N]IS EIVS.

Ô banquet sacré où l'on reçoit le Christ ! On y rappelle le mémorial de sa Passion, [l'âme y est remplie de grâce et un gage nous est donné de la gloire future. Alléluia]

 

- Quartier nord-est (Epitre de Saint Paul aux Corinthiens, XI, 28)

PROBET AVTEM SEIPSVM HOMO

ET SIC DE PANE ILLO EDAT

ET DE CALICE BIBAT

COR

Que chacun donc s'éprouve soi-même, et qu'ainsi il mange de ce pain et boive de ce calice. Corinthiens

 

- Quartier sud-est (Lauda Sion de Saint Thomas d'Aquin)

SVM[M]V[N]T. BONI. SVM[M]V[N]T. MALI

SORTE. TAMEN. INECVALI

VIT[A]E. VEL. INTERITVS

Les bons le prennent, les méchants le prennent, mais pour un sort inégal, ici de vie, là de ruine.

 

- Quartier sud-ouest (Hymne  de l'office des Laudes Verbum supernum prodiens)

O. SALVTARIS. HOSTIA. QV[A]E

C[A]ELI. PA[N]DIS. OSTIVM. BELLA.

PREM[VNT]. DA. ROBVR [FER AVXILIVM]

Ô réconfortante Hostie, qui nous ouvres les portes du ciel, les armées ennemies nous poursuivent, donne-nous la force, porte-nous secours.

 

Les portraits de saints

Les voûtes en lunettes portent quant à elles de riches décors végétaux blancs se détachant du fond bleu de cobalt. Le centre de chacune est ornée d’un chapeau de triomphe dans le quel est figuré le buste d’un saint. Deux sont des évêques, l’un avec une crosse et l’autre avec une croix, tandis que deux sont des membres du clergé régulier. En toute logique, les transformations opérées sous Léopold ont détruit six autres portraits On peut reconnaître Saint Louis d'Anjou vêtu de ses ornements épiscopaux dont une chape fleurdelisée, Saint Bonaventure, Saint Bernardin de Sienne et Saint Antoine de Padoue portant un coeur (Etienne Martin & Pierre-Hippolyte Pénet, 2022, p.51).

 

Saints évêques et saints moines (clichés personnels, 2018)

 

Les chapelles latérales

Outre les fresques des voûtes du chœur, on peut voir encore aujourd’hui des peintures au niveau des chapelles disposées de part et d’autre des premières travées de la nef. Il s’agit visiblement de détrempes peintes à l’œuf (Gaston Save, 1897, p.13). Des traces de peinture sont observable sur l’ensemble de ces chapelles (voûtes, murs et piliers) mais les badigeonnages anciens ont détruit la majeure partie de la décoration. Aussi, si on excepte les vestiges isolés, les éléments les plus lisibles sont ceux des piliers et des écoinçons encadrant chaque arc.

 

Chapelle Notre-Dame de Consolation

La chapelle Notre-Dame de Consolation, située à gauche en entrant dans l’église, étaient ornée de peintures dont il reste suffisamment pour apprécier le programme décoratif (abbé Guillaume, 1865 ; Etienne Martin & Pierre-Hippolyte Pénet, 2022, p.51). Elles furent découvertes en 1853.

Le pilier sud porte une représentation de Notre-Dame, les mains jointes sur la poitrine. Nimbée et les cheveux au vent, elle porte une robe bleue et un manteau rose. Malheuresement, elle est aujourd’hui très dégradée. Au-dessus de la Vierge se trouve un cartouche suspendu à un clou dans lequel se lit l’inscription suivante : « Le [- - -] grâce supern [- - -] / La couronne [- - -] cieux félicitée / Dis [- - -] à secourir et plaisante et pure / C’est mon refuge en toute adventure». La partie haute du pilier porte une longue branche de lys blancs autour de laquelle ondule un listel portant en majuscule l’inscription « C’est mon refuge ».

 

Vierge en prière (clichés wikipedia, 2018)  Cadre du pilier sud (clichés wikipedia, 2018)

 

Le pilier nord, engagé dans le mur septentrional, répond à celui qui lui fait face. On y retrouve un cartouche comparable mais mieux conservé sur lequel on peut lire : « La fleur de lis plaisante nette et pure / Marie à droict représente et figure / Des désolés la consolation / C’est mon refuge en tribulation ». Ici cependant, aucune figure ne fait écho à celle de la Vierge. La branche de lys et son listel sont répétés au-dessus et en-dessous du cartouche.

 

Cadre du pilier nord (clichés personnels, 2017)  Lys du pilier nord (clichés personnels, 2017)

 

Reste les écoinçons à l’entrée de la chapelle. Un mortier les recouvrait à la fin du XIXe siècle mais on pouvait espérer une bonne conservation (Gaston Save, 1897, p.15). À présent qu’elles sont dégagées, seul l’écoinçon le plus à droite est lisible. Bien que la balustrade de l’ancienne tribune l’ait amputé, la peinture est relativement bien conservée. Il s’agit d’un écu en losange, donc féminin, entouré d’un chapeau de triomphe. Cet écu est parti mais seules les armes du mari, à dextre, sont lisibles. Ce sont celles de Quiriace Fournier, secrétaire et argentier du duc Antoine anobli en 1540 (Armorial lorrain de la première moitié du XVIe siècle, F°162, Bnf). L’écu est donc celui de son épouse Françoise de Xauburel. Dès lors, il est possible de reconstituer l’ensemble de l’écu : parti de Fournier, soit écartelé en sautoir au 1 et 4, d’azur au pal d’or chargé de trois tourteaux de gueules ; et au 2 et 3, d’or à une tête de lion d’azur, lampassée et couronnée d’argent ; et de Xauburel, soit : d’argent au chef d’azur chargé de trois besants d’orQuiriace Fournier et son épouse furent inhumés dans cette chapelle. Il ne serait donc pas surprenant que l’écoinçon placé en regard de celui que nous venons d’étudier ait porté les armes de l’époux.

 

Armes de Françoise de Xauburel, état actuel (cliché personnel, 2018)   Reconstitution des armes de Françoise de Xauburel (image personnelle)   Armes de Quiriace Fournier (image personnelle)

 

Pour finir, ajoutons que Gaston Save avait observé dans les compartiments des voûtes de cette chapelle et de ses voisines des figures d’anges comparables à celles de vitraux provenant de l’ancienne église Saint-Epvre (Gaston Save, 1897, p.15).

 

Portrait de Saint François d’Assise (clichés personnels, 2018)

Chapelle Saint-Bonaventure

La deuxième chapelle à gauche, abrite sur son pilier sud un portrait de grandeur nature représentant Saint François d’Assise (Gaston Save, 1897, p.15). Le saint fondateur de l’Ordre franciscain  est représenté en pied, vêtu de ses habits monastiques. En pleine méditation, il garde les yeux fermés tandis que de sa main gauche laissant apercevoir les stigmates, il tient un crucifix. Au-dessus du saint pend un cartouche dans lequel est inscrit : « Ste FRANCISCE / ORA PRO NOBIS ». Cette peinture fut refaite à l’huile au milieu du XIXe siècle ce qui explique son bon aspect actuel. Elle faisait peut-être partie du cycle de la vie de Saint François dont parle le baron de Guilhermy en 1850 et qui semble avoir décoré une chapelle nord (Etienne Martin & Pierre-Hippolyte Pénet, 2022, p.51).

  

Chapelle des Rois

Les peintures de la chapelles des Rois, située à droite en entrant dans l’église, sont pour l’essentiel perdue et seuls les quatre écoinçons encadrant les arcs permettent un commentaire. Ils semblent n’avoir jamais été badigeonnés et, cependant, leur décoration peinte est aujourd’hui illisible.

 

Vue des écoinçons de la chapelle des Rois (clichés personnels, 2017)

 

Heureusement, un relevé en a été fait à la fin du XIXe siècle (Gaston Save, 1897, p.14-15). De droite à gauche, soit en progressant vers l’intérieur de l’église, on pouvait observer les peintures suivantes :

  • un ange, peint en camaïeu gris, tenant un écu : écartelé en 1 et 4  d’or au triangle de gueules en abîme, accompagné de trois croissants d’azur deux et un (qui est de Trèves) ; et en 2 et 3 d’or aux trois fleurs de lys de sable.
  • un ange, peint de même, tenant un écu aux armes de Pierre Le Clerc : écartelé en 1 et 4 d’or au léopard de gueules armé, lampassé et couronné d’azur et au chef du même chargé de trois besants d’or (qui est de Le Clerc) et en 2 et 3 d’or au triangle de gueules en abîme, accompagné de trois croissants d’azur deux et un (qui est de Trèves).
  • un ange, peint de couleurs variées, tenant un phylactère sur lequel est inscrit : « [- - -] ihs dominum imperium nobis fera de [- - -] ».
  • un ange tenant un phylactère. Ce quatrième écoinçon a été coupée par la balustrade de l’ancienne tribune et il est donc très lacunaire.

 

Armes du premier écoinçon selon Gaston Save (image personnelle)   Armes de Pierre Le Clerc (image personnelle)   Armes originelles du premier écoinçon selon Raymond des Godins de Souhesme (image personnelle)

  

Cette lecture de Gaston Save a été partiellement mise en doute (Raymond des Godins de Souhesme, 1897). Le problème porte sur le premier écu dont l’écartelé aurait été inversé. Raymond des Godins de Souhesme supposait que les armoiries représentées originellement étaient celles de Pierre Le Clerc, comme sur le deuxième écoinçon. Les quartiers fleurdelisés appartiendrait, quant à eux à un écu que l’on aurait peint au-dessus du premier à une date postérieure et qu’il reconstitue ainsi : écartelé en 1 et 4, de sable à ...; et en 2 et 3, d’argent à trois de fleurs de lys de sable. Les nettoyages successifs auraient confondu les deux blasons.

 

Autres chapelles de droite

À la chapelle des Rois fait suite celle dédiée à Notre-Dame de Pitié et celle du Sépulcre. Elles étaient encore couvertes de badigeon à la fin du XIXe siècle (Gaston Save, 1897, p.15). Aujourd’hui, des traces de peinture sont bien visibles mais il est difficile d’en tirer quoi que ce soit.

 

27 janvier 2020

La dauphine Marie-Antoinette (1770)

Mise à jour (12/06/2020)

 

Les 9 et 10 mai 1770 furent marqués par le passage à Nancy de l’archiduchesse Marie-Antoinette, depuis peu dauphine de France, qui s’en allait retrouver à Versailles le futur Louis XVI. En dépit d’un programme chargé, elle ne manqua pas de venir se recueillir sur les tombes de ses ancêtres.

 

Contexte

Le mariage du siècle
Marie-Antoinette est née le 2 novembre 1755. Elle est l’avant dernière enfant de l’ancien duc François de Lorraine, désormais empereur du Saint-Empire, et de Marie-Thérèse d’Autriche. Son rôle comme reine de France et sa fin tragique sous la Révolution sont bien connus et font l’objet d’une fascination certaine de la part du grand public. Son passage à Nancy est lié à son mariage avec le dauphin Louis-Auguste. La jeune archiduchesse n’est âgée que de quatorze ans lorsqu’elle l’épouse par procuration dans une église viennoise le 19 avril. Les semaines qui suivent sont consacrées au long voyage vers Versailles où l’attend l’héritier du trône français. Après la cérémonie de la « remise de l’épouse » réalisée sur l’île aux Epis à la frontière rhénane du royaume, elle gagne Strasbourg puis Saverne. Elle arrivera finalement à la cour le 16 mai où un second mariage sera célébré en grande pompe. Si la population se montra enthousiaste tout au long du parcours, la cour était beaucoup plus hostile à celle qui était déjà surnommée l’Autrichienne.

 

Louis-Michel van Loo, Le Dauphin, 1769 (cliché commons.wikimedia.org, détail)   Jean-Baptiste Charpentier, Marie-Antoinette, 1770 (cliché commons.wikimedia.org, détail)

   

Dimension géopolitique
Ce mariage entre les Maisons d’Autriche et de France fut imaginé par le duc de Choiseul, principal ministre de Louis XV d’origine lorraine. Il s’inscrivait dans le cadre du renversement des alliances visant à rapprocher les Habsbourg et les Bourbons pour faire face à la puissance montante de la Prusse de Frédéric II. En Lorraine, ces changements de politique initiés dès 1756 avaient une résonnance particulière puisqu’elle signifiait la fin de l’hostilité entre l’ancienne dynastie ducale et la France. Stanislas avait à cette occasion fait ériger une fontaine commémorative sur la place d’Alliance. Œuvre de Paul-Louis Cyfflé, elle portait l’inscription latine Prisca recensque fides votum conspirat in unum soit « L'ancienne et la nouvelle fidélité forment maintenant un même vœu ». La volonté d’apaiser le patriotisme vieux-lorrain était manifeste. Lorsqu’en 1770, Marie-Antoinette vint à Nancy, Stanislas était mort depuis quatre ans et la Lorraine était désormais annexée au royaume de France. Qu’une fille du dernier duc héréditaire soit destinée à devenir reine contribua à rallier les dernières réticences.
Pour autant, le rapprochement avec la France puis le mariage de l’archiduchesse ne furent pas sans soulever quelques protestations parmi les enfants de Léopold. L’empereur François, qui ne pardonnait pas la perte de ses états patrimoniaux, était mort en 1765 et il ne fut donc pas en mesure de s’opposer à cette union. En revanche, son frère Charles-Alexandre et sa sœur Anne-Charlotte protestèrent vivement.

 

Le pavillon Alliot sur la place Stanislas (cliché commons.wikimedia.org)Le séjour à Nancy

Accueil des corps constitués

La dauphine arriva dans la cité ducale à la tombée de la nuit le 9 mai 1770. Elle fut accueillie par le marquis de Choiseul La Baume, ancien capitaine des gardes du corps de Stanislas, à la porte Saint-Nicolas illuminée. Le marquis était entouré de son état-major, du Corps municipal et de détachements des grenadiers de France, des dragons de Schomberg et de Chartres et du régiment d’Orléans. Elle fut conduite à l'hôtel de l'Intendance installé, depuis avril 1766, dans le pavillon Alliot sur la place royale. En prévision, des appartements lui avaient été préparés. Le lendemain, elle reçut la Cour souveraine, la Chambre des Comptes, le Corps municipal et les représentants de l’Université. Le pavillon abritant également une école de musique, la dauphine s'y rendit et écouta des poésie d'un jeune poète lorrain Nicolas Gilbert.


Bref passage au Cordeliers
L’heure du départ de la dauphine approchait et, à l’annonce que la messe avait été dite au palais du Gouvernement, les cordeliers qui espéraient sa visite pensèrent qu’il fallait y renoncer. Finalement, un messager vint les prévenir de sa venue prochaine. Une double haie de grenadiers fut disposée entre la place de la Carrière et l’église tandis que les religieux se préparaient fébrilement et revêtaient des chapes aux armes de Lorraine offertes par leurs anciens princes. Vers une heure de l’après-midi, Marie-Antoinette parut et fut accueillie par le père Husson qui prononça une harangue avant d’accompagner la princesse à la chapelle ronde. Celle-ci était alors à l’apogée de sa beauté car elle avait été rénovée et décorée vingt ans plus tôt sur les ordres de son père François. Après un instant de recueillement, l’archiduchesse repartit tandis que les religieux entonnaient un Te Deum. Malgré la brièveté de son passage, la princesse semble avoir fait bonne impression aux cordeliers qui la comparèrent affectueusement à sa tante : « Nous croyions voir notre adorable princesse Charlotte revenue à cet âge ».

 

Conséquences

La visite de la jeune dauphine fut une opportunité pour les autorités françaises qui purent transférer la vieille fidélité dynastique dont elle faisait l’objet ,sur la famille royale dans laquelle elle entrait par son mariage. L’enthousiasme de la foule nancéienne était telle que son carrosse fut suivit à plus d’une lieue de la ville.

Le souvenir de cette visite est rappelé à l’entrée de la chapelle ronde par l’inscription suivante : « Marie Antoinette, Dauphine depuis Reine de France, prosternée au pied de ce même autel le 17 mai 1770. Alors adorée des Français, cette auguste fille des Césars venait orner de ses grâces et de ses vertus le trône de Louis XVI !!! ». On notera, outre l’emphase, l’erreur concernant la date. Le séjour nancéien de Marie-Antoinette a laissé un autre souvenir. Lorsqu'en 1830, un hôtel de luxe s'installa dans le pavillon Alliot, il prit le nom de Grand hôtel de la Reine. Aujourd'hui, cette dénomination est connue de la plupart des Nancéiens sans qu'ils en connaissent nécessairement l'origine. 

  

Bibliographie

 - BOUTRY, Maurice, 1904, Le mariage de Marie-Antoinette, Paris.

- GONCOURT, Edmond et Jules de, 1858, Histoire de Marie Antoinette, Nancy.

- MAROT, Pierre, 1951, « L'église des Cordeliers et la tradition lorraine », Le Pays lorrain 32/3, p. 97-114. (lire en ligne sur gallica.bnf.fr)

- PETIOT, Alain, 2012, « Les Lorrains de Habsbourg, du souvenir à la mémoire partagée », Les Cahiers du Château de Lunéville 8.

- PFISTER, Christian, 1906, « Les bâtiments de la place Stanislas », Bulletin mensuel de la Société d'archéologie lorraine et du Musée historique lorrain 6, p. 169-230. (lire en ligne sur gallica.bnf.fr)

- ZEDLITZ, Max (baron de), 1906, Marie-Antoinette à Nancy, Paris.

 Il faut également mentionner une page dédiée sur ce forum consacré à Marie-Antoinette.

 

25 janvier 2020

Bibliographie

Mise à jour (27/05/2023)

 

- Armorial flamand et lorrain, avec blasons coloriés dit "Rôle d'armes du voyage d'Outre-mer" ou "Rôle d'armes de Gaignières" (BNF Ms Fr 23077) =GGM (lire en ligne sur gallica.bnf.fr)

Blasons des armes des ducs, marquis, comtes et gentilshommes de l'ancienne chevalerie de Lorraine et Barrois. Coppié à l'original de Monsieur Calot, héraut d'armes de Lorraine et Barrois (Bibliothèque de Nancy Ms 672). (lire en ligne sur bmn-renaissance.nancy.fr)

 

- BENAD, Aurore, 2019, “Pour le salut des âmes du peuple de ladite ville” : municipalité et vie religieuse à Nancy, fin XVIe siècle -fin XVIIIe siècle (Thèse de doctorat réalisée à l'Université de Lorraine sous la direction de Stefano Simiz).

- BERTOLDI, Michel, 1990, « L’église des Cordeliers de Nancy : un monument du XVe ou du XVIe siècle », Lotharingia II, p. 271-285.

- CAYON, Jean, 1853, Ancienne chevalerie lorraine, Nancy.

- COLAS, Pierre, 1988, « Meurthe-et-Moselle. Nancy, mise au jour de peintures murales du XVIe siècle à l'église des Cordeliers », Bulletin Monumental 146/2, p. 127-130. (lire en ligne sur persee.fr)

- FRANKL, Paul, 1956, Peter Hemmel Glasmaler von Andlau, Berlin.

- GUILLAUME, Pierre Étienne (abbé), 1851, Cordeliers et chapelle ducale de Nancy, Nancy. (lire en ligne sur gallica.bnf.fr)

- GUILLAUME, Pierre Étienne (abbé), 1865, « Sur quelques changements opérés, en dernier lieu, dans l’église des Cordeliers », Journal de la Société d'archéologie et du Comité du Musée lorrain  14, p. 209-213. (lire en ligne sur gallica.bnf.fr)

- HEROLD, Michel, 1984, « Les vitraux disparus de l'église des Cordeliers de Nancy », Bulletin Monumental 142-2, p. 159-172. (lire en ligne sur persee.fr)

- HEROLD, Michel, 1997, « L’œuvre lorraine de Pierre Hemmel d’Andlau, verrier de Strasbourg », Lotharingia VII, p. 97-108.

- LEPAGE, Henri, 1867, Ferdinand de Saint-Urbain. Avec un catalogue de l'œuvre de cet artiste par M. Beaupré, Nancy.

- LIONNOIS, Jean-Jacques Bouvier (abbé), 1811, Histoire des villes vieille et neuve de Nancy, depuis leur fondation, jusqu'en 1788, 200 ans après la fondation de la Ville-Neuve, Nancy. (lire en ligne sur gallica.bnf.fr)

- MAROT, Pierre, 1951 « L’église des Cordeliers et la tradition lorraine », Le Pays Lorrain 32, p. 97-114. (lire en ligne sur gallica.bnf.fr)

- MAROT, Pierre, 1953 « Les transformations du Palais ducal et de l’église des Cordeliers depuis 1937 », Le Pays Lorrain 34, p. 81-88. (lire en ligne sur gallica.bnf.fr)

- MARTIN, Etienne & PENET, Pierre-Hippolyte, 2022, L'Eglise des Cordeliers, Le sanctuaire des ducs de Lorraine à Nancy, Nancy.

- ROZE, Francine, 1998, « Le couvent des Cordeliers de Nancy. Architecture et bâtiments depuis la Révolution », Le Pays Lorrain Hors-Série, p. 45-52.

- ROZE, Francine, 1998b, « Le couvent des Cordeliers de Nancy. Architecture et bâtiments sous l'Ancien Régime », Le Pays Lorrain 79, p. 161-170. (lire en ligne sur gallica.bnf.fr)

- ROZE, Francine, 2008, « Nancy, Palais ducal » in Congrès de France, Nancy et Lorraine méridionale (2006), Paris, p. 149-158.

- SAVE, Gaston, 1897, « Les fresques de l’église des Cordeliers », Journal de la Société d'archéologie et du Comité du Musée lorrain  46, p. 12-16. (lire en ligne sur gallica.bnf.fr)

- SESMAT, Pierre, 2008, « La Chapelle ducale » in Philippe Martin (Dir.), La Pompe funèbre de Charles III 1608, Metz, p. 159-165.

- SOUHESME, Raymond des Godins de, 1897, « Note complémentaire sur les fresques de l’église des Cordeliers », Journal de la Société d'archéologie et du Comité du Musée lorrain  46, p. 31-33. (lire en ligne sur gallica.bnf.fr)

- STREIFF, François, 2000, « Vie de la Société d’Histoire de la Lorraine et du Musée Lorrain », Le Pays Lorrain 81, p. 226-228. (lire en ligne sur gallica.bnf.fr)

- THULL, Jean-François, 2017, « 1867. François-Joseph à Nancy : l’hommage et la fidélité », Le Pays Lorrain 98, p. 223-232.

 

25 janvier 2020

L'empereur Joseph II (1777)

Mise à jour (12/06/2020)

 

Le 13 avril 1777, Nancy reçut la visite la visite de Joseph II, à la tête du Saint-Empire depuis 1765. Ce séjour, qui se voulait discret, révéla le crédit dont jouissait l'ancienne famille ducale après des Nancéiens.

 

Georg Decker, Portrait de Joseph II (cliché commons.wikimedia.org)

Contexte

Un souverain voyageur

Fils aîné du dernier duc de Lorraine François III et de Marie-Thérèse d'Autriche, Joseph II eut un début de règne difficile. La forte personnalité de sa mère le cantonnait en effet un un rôle secondaire. A défaut de gouverner, le jeune empereur se lança dans une série de voyages à la rencontre des princes de son temps. Il s'agissait pour lui de se préparer à assumer le pouvoir en s'inspirant au besoin de modèles étrangers.

 

Le royaume de son beau-frère

En 1770, l'archiduchesse Marie-Antoinette épousa le dauphin Louis. Sept années plus tard, la soeur de Joseph et son mari régnait sur la France dans une harmonie toute relative. L'absence d'héritier, la désunion au sein du couple royal et les frasques de la reine mettaient en péril l'alliance entre les Bourbons et les Habsbourg-Lorraine. Marie-Thérèse confia donc à son fils le soin d'aller raisonner sa soeur à Versailles. Outre les questions familiales, la France attirait l'empereur par sa modernité et son rayonnement culturel. Il résolut donc de profiter de ce voyage pour visiter la côte atlantique et ses arsenaux. Il s'agissait à la fois de juger de la force de l'allié français et de réfléchir à la modernisation de la flotte autrichienne. Joseph voulait se soustraire à la pompe officielle et il résolut de voyager incognito sous le nom de "comte de Falkenstein".

 

Le séjour à Nancy

L'arrivée dans la cité ducale

Cheminant vers Paris dans un chariot de poste découvert, l'empereur fit une halte à Lunéville le 12 avril. Le château de Léopold était devenu depuis une décennie le lieu de cantonnement des Gendarmes rouges. Joseph II assista à leurs maneuvres et apprécia leurs qualités martiales. C'est à cette occasion que Paul-Louis Cyfflé réalisa un médaillon à l'effigie du souverain avec l'inscription « Il voyageoit en inconnu, mais ses vertus l'ont fait reconnoitre » (Cité de la Céramique à Sèvres, Inv. MNC 13796). Poursuivant sa route vers l'ouest, l'empereur arriva à Nancy où il arriva à 5h de l'après-midi. Il logea à l'Hôtel d'Angleterre.

 

Paul-Louis Cyfflé, médaillon à l'effigie de Joseph II, 1777 (cliché fr.calameo.com)

 

Une visite écourtée

Le lendemain, Joseph II assista à une messe à l'église des Cordeliers et se recueillit sur les tombes de ses ancêtres. Puis, il visita l'hôpital militaire tenu par les soeurs de Saint-Charles. L'établissement étant particulièrement bien géré, il résolut d'envoyer plus tard des religieuses autrichiennes pour s'inspirer des méthodes en usage à Nancy. L'empereur visita également la caserne Sainte-Catherine, construite en 1764, et assista à un défilé militaire. Malgré son caractère distant et la discrétion qu'il souhaitait, l'empereur put constater l'enthousiasme de la population à son égard. Craignant que les autorités françaises ne prennent ombrage de cette popularité, Joseph II décida d'écourter son séjour. A deux heures de l'après-midi, il reprit la route en direction de Metz.

 

Paul-Louis Cyfflé, statuette de l'empereur Joseph II, vers 1778 (cliché Musée lorrain)

Conséquences

La visite de Joseph II eut peu d'influence sur l'histoire du palais ducal de Nancy. L'actuel Musée lorrain conserve cependant deux souvenirs de ce passage. Une inscription, placée à l'entrée de la chapelle ronde rappelle : « L'empereur d'Autriche Joseph II rendant ici ses pieux devoirs aux dépouilles mortelles de ses glorieux ancêtres le 12 (sic) avril 1777 ». De plus, nous avons dit que Paul-Louis Cyfflé avait réalisé  un médaillon à l'effigie de l'empereur lors de la halte de Lunéville. Quelques années plus tard, il exécuta une statuette en biscuit. Haute de 33cm5, elle représente Joseph II en armure, tenant un bâton de commandement. Il a un épais manteau et porte au cou l'insigne de la Toison d'or. Le hasard a voulu que cette statuette entre dans les collections du Musée lorrain (Inv. 06.04.03.102). 

 

 

 

 

Bibliographie

- HENWOOD, Annie, 1984, « L'empereur Joseph II à la découverte de le marine et de la France de l'Ouest (juin 1777) », Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest 91-4, p. 351-368. (lire en ligne sur persee.fr)

- JEAN-JULIEN, 1913, « Un voyage impérial à Metz en 1777 », Le Pays lorrain 10, p. 705-707. (lire en ligne sur gallica.bnf.fr)

- LIONNOIS, Jean-Jacques Bouvier (abbé), 1811, Histoire des villes vieille et neuve de Nancy, depuis leur fondation, jusqu'en 1788, 200 ans après la fondation de la Ville-Neuve, Nancy. (lire en ligne sur gallica.bnf.fr)

- MAROT, Pierre, 1951, « L'église des Cordeliers et la tradition lorraine », Le Pays lorrain 32/3, p. 97-114. (lire en ligne sur gallica.bnf.fr)

- PENET, Pierre-Hippolyte,  « L'Empereur Joseph II », Notice en ligne d'une oeuvre conservée au Musée lorrain

- PETIOT, Alain, 2012, « Les Lorrains de Habsbourg, du souvenir à la mémoire partagée », Les Cahiers du Château de Lunéville 8.

 

 

23 janvier 2020

L'empereur François Ier d'Autriche (1815)

Mise à jour (12/06/2020)

 

L’année 1815 vit la chute définitive de Napoléon. Après le désastre de Waterloo, les coalisés envahirent le territoire nationale pour la seconde fois en deux ans. C’est dans cette époque mouvementée que l’empereur François Ier d’Autriche séjourna à Nancy dans la capitale de ses ancêtres.

 

Joseph Kreutzinger, L'empereur François Ier, 1815 (cliché commons.wikimedia.org)Contexte

L’ennemi de Napoléon

François prit la tête du Saint-Empire en 1792 à la mort de son père Léopold II. Neveu de Marie-Antoinette, il fut l’un des plus grands adversaires de la Révolution et de l’Empire. Vingt-trois années de son règne furent occupées par les guerres qui l’opposèrent à Napoléon. En 1797, le traité de Campo-Formio lui enleva les Pays-Bas autrichiens. Par la suite, il fut vaincu à Marengo en 1800 puis à Ulm et Austerlitz en 1805. Prenant acte de la mainmise française sur l’Allemagne, François dissout le Saint-Empire et éleva l’Autriche au rang d’empire où il régna sous le nom de François Ier. Une nouvelle défaite en 1809 à Wagram le força à marier sa fille Marie-Louise à Napoléon. Ce n’est qu’après la défaite de l’Aigle en Russie et le soulèvement des Etats allemands qu’il reprit les armes. A l’issue de la campagne de France, François obtint que le congrès de paix se tienne dans sa capitale viennoise. Ce partage de l’Europe entre les princes coalisés fut ébranlé lorsqu’on apprit le retour au pouvoir de Napoléon. Une septième coalition se forma et les armées des grandes puissances convergèrent vers la France.

 

La marche des souverains

Après l’échec de la campagne de Belgique, l’empire napoléonien s’effondra. Les premières armées coalisées à entrer en France furent naturellement celles de Wellington et Blücher, les vainqueurs de Waterloo. Venant de l’est, les forces autrichiennes et russes mirent davantage de temps. A la mi-juin, l’armée austro-allemande commandée par le feld-maréchal bavarois von Wrede passa le Rhin et, le 28, entra dans Nancy où elle établit son quartier-général. La veille, s’étaient rejoints à Spire l’empereur d’Autriche, le tsar de Russie Alexandre Ier et le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III. Il était entendu que les trois souverains marcheraient de concert jusqu’à Paris. Passant par Haguenau et Saverne, ils arrivèrent à Nancy le 6 juillet.

 

  François Gérard, Alexandre Ier (cliché commons.wikimedia.org)  François Gérard, Frédéric-Guillaume III, 1814 (cliché commons.wikimedia.org)

 

Le séjour à Nancy

Les trois souverains coalisés logèrent à Nancy : François Ier au palais du Gouvernement, le tsar Alexandre à la préfecture dans le pavillon Alliot et Frédéric-Guillaume III à l’évêché qui se trouvait dans l’ancien hôtel des Fermes (actuel Opéra national de Lorraine). Ce séjour fut bref puisqu’ils repartirent le lendemain. L'empereur d'Autriche se trouvait donc très proche des vestiges du palais ducal et de l’église des Cordeliers. Profanée et dévastée, la nécropole princière était à cette époque dans un état pitoyable. Nous n'en avons aucune représentation et il faut se rabattre sur une lithographie qui la montre tel qu'elle était en 1830. Connaissant le mauvais état des tombes de sa famille, François Ier souhaita se rendre sur place. Selon son propre témoignage recueilli par Jean Cayon, Alexandre de Haldat du Lys aurait guidé le prince parmi les décombres amoncelé autour de l’église. Gravissant les monceaux de ruines,  ils atteignirent une verrière brisée d’où l’empereur pu constater l’ampleur des destructions. Amer, il aurait alors dit « Qu'avaient fait ces ossements à ceux qui les profanèrent ? Mes pères n'avaient régné sur la Lorraine que pour la rendre heureuse ».

 

Charles-François Chatelain, L'église des Cordeliers et la chapelle Ronde, 1830 (cliché Musée lorrain)

 

Conséquences

Aujourd’hui, la plaque commémorative placée à l’entrée de la chapelle ronde reprend la phrase attribuée à l’empereur d’Autriche. La portée de cette visite est cependant plus grande car elle montre que le descendant des ducs se préoccupait de conserver cet héritage lorrain. L’empereur aurait pu faire retrouver les cendres profanées de ses ancêtres pour les transférer en Autriche. Les pérégrinations des ossements de Königsfelden offrent un parallèle probant. Pourtant et en dépit du rôle joué par la Lorraine pendant la Révolution et l’Empire, il encouragea le gouvernement de Louis XVIII à rétablir à Nancy une sépulture digne pour les anciens ducs. A l’issue des restaurations qui se conclurent par la grande pompe funèbre de 1826, François Ier rétablit la fondation faite par François III en 1762. Celle-ci prévoyait une messe quotidienne en mémoire des ducs de Lorraine. L'empereur d'Autriche ajouta un service annuel le jour anniversaire de la cérémonie expiatoire. Un aumônier mandaté par Vienne était chargé de veiller sur le caveau princier et de faire ces dévotions. Cette organisation perdura jusqu’à la première guerre mondiale.

  

Bibliographie

 - BEAUCHAMP, Alphonse de, 1818, Histoire des campagnes de 1814 et de 1815 Tome II-2, Paris. (lire en ligne sur gallica.bnf.fr)

- CAYON, Jean, 1842, Église des Cordeliers, la Chapelle-ronde, sépultures de la maison de Lorraine, à Nancy : histoire et description de ces édifices, Nancy. (lire en ligne sur archive.org)

- MAROT, Pierre, 1951, « L'église des Cordeliers et la tradition lorraine », Le Pays lorrain 32/3, p. 97-114. (lire en ligne sur gallica.bnf.fr)

- PFISTER, Christian, 1906, « Les bâtiments de la place Stanislas », Bulletin mensuel de la Société d'archéologie lorraine et du Musée historique lorrain 6, p. 169-230. (lire en ligne sur gallica.bnf.fr)

 

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