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Palais ducal de Nancy
22 mars 2020

III- B- Décoration de l'église - Peintures murales

Mise à jour (27/05/2023)

 

Un ouvrier ayant travaillé à la réfection des enduits de mortiers de l’église des Cordeliers en 1885 disait  avoir vu des traces de peintures sur l’ensemble des murs (Gaston Save, 1897, p.12). Une petite partie seulement a subsisté. Les plus marquantes aujourd’hui sont celles ornant la voûte du chœur et les chapelles latérales à l’entrée de l’église.

 

 

Les fresques des voûtes (Friedrich Brentel 1611 ; détail)

Les voûtes

Un décor redécouvert récemment

La planche de la Pompe funèbre de Charles III montre que si la voûte de la nef était unie, celle du chœur portait une décoration peinte. Figurant des anges et des grotesques, celle-ci s’organisait sur les six quartiers entourant la clef centrale. En dépit de l’éloignement, on reconnaît aisément des séraphins et des anges portant les Arma Christi, c’est-à-dire les instruments de la Passion. On trouve ainsi tour à tour :

  • la Sainte Couronne d’épine.
  • la Sainte Lance et la Sainte Eponge placée au bout d’une branche d’hysope.
  • les Saints Clous et un objet non identifiable.
  • une étoffe portant la Sainte Face. Pierre Colas parlait de Saint Suaire mais il s’agit sans doute davantage du « voile de Véronique ».
  • la Vraie Croix
  • la colonne de la Flagellation

Les voûtes en lunettes sont moins lisibles mais apparaissent également décorés. Probablement contemporains de l’achèvement de l’édifice vers 1525, cet embellissement serait donc à mettre au crédit du duc Antoine. On suppose d’ordinaire que l’artiste est Hugues de la Faye qui peignit à la même époque la galerie des cerfs et la Cène du réfectoire du couvent, ou son successeur Médard Chuppin. 

Cette composition du début du XVIe siècle n’est pas parvenue intacte jusqu’à nous. L’agrandissement du chœur par le duc Léopold entraîna l’amputation des deux voutains orientaux et des voûtes en lunettes correspondantes. On peut supposer que par la suite, le manque d’entretien, notamment pendant la Révolution, endommagea les peintures. Pour cette raison, il fut décidé, lors de la restauration de l’église au début du XIXe siècle, de recouvrir l’ensemble des voûtes d’un badigeon blanc. Les fresques ne furent redécouvertes qu’en 1986 lors de nouveaux travaux (Pierre Colas, 1988). Leur mise en valeur récente par l’installation d’un miroir au sol permet de profiter pleinement des vestiges de ces peintures.

La voûte est peinte en bleu de colbalt, minerai dont les ducs possédaient des exploitations. Les clefs et nervures, dont les gorges ocre rouge portent un décor festonné blanc, sont bleus et ocre jaune. La structure était ainsi soulignée par la polychromie. On peut supposer qu’il en était de même dans la nef. La particularité des voûtes du chœurs reposait cependant sur les décors figurés dont elle était couverte. Nous allons donc en parler plus longuement.

 

Vue d’ensemble des fresques depuis l’ouest (cliché personnel, 2016)

 

Les anges de la Passion

Comme nous l’avons vu, la présence des anges portant les instruments de la Passion est documentée depuis longtemps par la gravure de Friedrich Brentel. La redécouverte de quatre des six voûtains de vérifier et de corriger le travail du graveur :

  • le premier ange (quartier nord-ouest), vêtu de rouge, tient les trois clous de la Crucifixion de sa main gauche. De son autre main, il semble tenir deux roseaux.
  • le deuxième (quartier nord-est), vêtu de jaune, présente quant à lui ce que nous supposons être le « voile de Véronique ».
  • le troisième (quartier sud-est), est vêtu de rouge. Il tient de ses deux mains la Sainte Couronne d’épine. Son visage est le mieux conservé.
  • le quatrième et dernier (quartier sud-ouest) a un vêtement bleu clair. Il tient deux longs bâtons que l’on peut supposer être la Sainte Lance et la branche d’hysope.

 

 Les anges de la Passion (clichés personnels, 2018)

 

Cette observation montre que le graveur a commis des erreurs concernant le placement des anges. Il est probable que la confusion a eu lieu en recopiant des croquis séparés réalisés sur place. On trouve en effet le même ordre mais inversé et ne commençant pas au même quartier : voile/clous/lance/couronne/[colonne]/[croix]. Par déduction, les deux anges manquants devaient porter la Vraie Croix (au nord) et la colonne de la Flagellation (au sud). Il n’est bien-sûr pas possible de deviner la couleur de leurs vêtements.

 

Un des séraphins rouges (cliché personnel, 2018)

Les séraphins

Outre les anges de la Passion, les voûtes figurent des séraphins. Rappelons que l’Ordre franciscain entretient des liens importants avec ces figures angéliques que Saint François aurait vu lorsqu’il fut marqué des stigmates. Pour cette raison, l’ordre, parfois qualifié de séraphique,  utilisa cet ange comme symbole. Il n’est donc pas surprenant de le retrouver ici. Conformément aux habitudes iconographiques, ils sont pourvus de trois paires d’ailes leur couvrant les corps à l’exception du visage. Ceux placés autour de la clef central sont rouge. Il s’agit là de leur couleur traditionnelle puisqu’ils sont liés au feu comme le montre l’étymologie de leur nom (seraphim signifiant « les brûlants » en hébreu).

La partie basse de chaque voûtain porte, au-dessus de grotesques, un autre séraphin, de couleur blanche. Ils portent des guirlandes et des cartouches sur lesquels se trouvent des inscriptions relatives à l’office du Saint Sacrement qui se déroulait juste en-dessous (Etienne Martin & Pierre-Hippolyte Pénet, 2022, p.49-51). Malheureusement, le logique présidant au choix et au placement des différentes citations de l’office ne permet pas de reconstituer les textes des deux cartouches manquants.

 

Les séraphins blancs (clichés personnels, 2018)

 

- Quartier nord-ouest (Antienne pour les vêpres de la Fête Dieu par Saint Thomas d'Aquin)

O. SACRV[M]. CO[N]VIV[IVM]. IN. Q[V]O

XPS [CHRISTVS]. SVMITVR. RECOLITVR.

MEMORIA. PASSIO[N]IS EIVS.

Ô banquet sacré où l'on reçoit le Christ ! On y rappelle le mémorial de sa Passion, [l'âme y est remplie de grâce et un gage nous est donné de la gloire future. Alléluia]

 

- Quartier nord-est (Epitre de Saint Paul aux Corinthiens, XI, 28)

PROBET AVTEM SEIPSVM HOMO

ET SIC DE PANE ILLO EDAT

ET DE CALICE BIBAT

COR

Que chacun donc s'éprouve soi-même, et qu'ainsi il mange de ce pain et boive de ce calice. Corinthiens

 

- Quartier sud-est (Lauda Sion de Saint Thomas d'Aquin)

SVM[M]V[N]T. BONI. SVM[M]V[N]T. MALI

SORTE. TAMEN. INECVALI

VIT[A]E. VEL. INTERITVS

Les bons le prennent, les méchants le prennent, mais pour un sort inégal, ici de vie, là de ruine.

 

- Quartier sud-ouest (Hymne  de l'office des Laudes Verbum supernum prodiens)

O. SALVTARIS. HOSTIA. QV[A]E

C[A]ELI. PA[N]DIS. OSTIVM. BELLA.

PREM[VNT]. DA. ROBVR [FER AVXILIVM]

Ô réconfortante Hostie, qui nous ouvres les portes du ciel, les armées ennemies nous poursuivent, donne-nous la force, porte-nous secours.

 

Les portraits de saints

Les voûtes en lunettes portent quant à elles de riches décors végétaux blancs se détachant du fond bleu de cobalt. Le centre de chacune est ornée d’un chapeau de triomphe dans le quel est figuré le buste d’un saint. Deux sont des évêques, l’un avec une crosse et l’autre avec une croix, tandis que deux sont des membres du clergé régulier. En toute logique, les transformations opérées sous Léopold ont détruit six autres portraits On peut reconnaître Saint Louis d'Anjou vêtu de ses ornements épiscopaux dont une chape fleurdelisée, Saint Bonaventure, Saint Bernardin de Sienne et Saint Antoine de Padoue portant un coeur (Etienne Martin & Pierre-Hippolyte Pénet, 2022, p.51).

 

Saints évêques et saints moines (clichés personnels, 2018)

 

Les chapelles latérales

Outre les fresques des voûtes du chœur, on peut voir encore aujourd’hui des peintures au niveau des chapelles disposées de part et d’autre des premières travées de la nef. Il s’agit visiblement de détrempes peintes à l’œuf (Gaston Save, 1897, p.13). Des traces de peinture sont observable sur l’ensemble de ces chapelles (voûtes, murs et piliers) mais les badigeonnages anciens ont détruit la majeure partie de la décoration. Aussi, si on excepte les vestiges isolés, les éléments les plus lisibles sont ceux des piliers et des écoinçons encadrant chaque arc.

 

Chapelle Notre-Dame de Consolation

La chapelle Notre-Dame de Consolation, située à gauche en entrant dans l’église, étaient ornée de peintures dont il reste suffisamment pour apprécier le programme décoratif (abbé Guillaume, 1865 ; Etienne Martin & Pierre-Hippolyte Pénet, 2022, p.51). Elles furent découvertes en 1853.

Le pilier sud porte une représentation de Notre-Dame, les mains jointes sur la poitrine. Nimbée et les cheveux au vent, elle porte une robe bleue et un manteau rose. Malheuresement, elle est aujourd’hui très dégradée. Au-dessus de la Vierge se trouve un cartouche suspendu à un clou dans lequel se lit l’inscription suivante : « Le [- - -] grâce supern [- - -] / La couronne [- - -] cieux félicitée / Dis [- - -] à secourir et plaisante et pure / C’est mon refuge en toute adventure». La partie haute du pilier porte une longue branche de lys blancs autour de laquelle ondule un listel portant en majuscule l’inscription « C’est mon refuge ».

 

Vierge en prière (clichés wikipedia, 2018)  Cadre du pilier sud (clichés wikipedia, 2018)

 

Le pilier nord, engagé dans le mur septentrional, répond à celui qui lui fait face. On y retrouve un cartouche comparable mais mieux conservé sur lequel on peut lire : « La fleur de lis plaisante nette et pure / Marie à droict représente et figure / Des désolés la consolation / C’est mon refuge en tribulation ». Ici cependant, aucune figure ne fait écho à celle de la Vierge. La branche de lys et son listel sont répétés au-dessus et en-dessous du cartouche.

 

Cadre du pilier nord (clichés personnels, 2017)  Lys du pilier nord (clichés personnels, 2017)

 

Reste les écoinçons à l’entrée de la chapelle. Un mortier les recouvrait à la fin du XIXe siècle mais on pouvait espérer une bonne conservation (Gaston Save, 1897, p.15). À présent qu’elles sont dégagées, seul l’écoinçon le plus à droite est lisible. Bien que la balustrade de l’ancienne tribune l’ait amputé, la peinture est relativement bien conservée. Il s’agit d’un écu en losange, donc féminin, entouré d’un chapeau de triomphe. Cet écu est parti mais seules les armes du mari, à dextre, sont lisibles. Ce sont celles de Quiriace Fournier, secrétaire et argentier du duc Antoine anobli en 1540 (Armorial lorrain de la première moitié du XVIe siècle, F°162, Bnf). L’écu est donc celui de son épouse Françoise de Xauburel. Dès lors, il est possible de reconstituer l’ensemble de l’écu : parti de Fournier, soit écartelé en sautoir au 1 et 4, d’azur au pal d’or chargé de trois tourteaux de gueules ; et au 2 et 3, d’or à une tête de lion d’azur, lampassée et couronnée d’argent ; et de Xauburel, soit : d’argent au chef d’azur chargé de trois besants d’orQuiriace Fournier et son épouse furent inhumés dans cette chapelle. Il ne serait donc pas surprenant que l’écoinçon placé en regard de celui que nous venons d’étudier ait porté les armes de l’époux.

 

Armes de Françoise de Xauburel, état actuel (cliché personnel, 2018)   Reconstitution des armes de Françoise de Xauburel (image personnelle)   Armes de Quiriace Fournier (image personnelle)

 

Pour finir, ajoutons que Gaston Save avait observé dans les compartiments des voûtes de cette chapelle et de ses voisines des figures d’anges comparables à celles de vitraux provenant de l’ancienne église Saint-Epvre (Gaston Save, 1897, p.15).

 

Portrait de Saint François d’Assise (clichés personnels, 2018)

Chapelle Saint-Bonaventure

La deuxième chapelle à gauche, abrite sur son pilier sud un portrait de grandeur nature représentant Saint François d’Assise (Gaston Save, 1897, p.15). Le saint fondateur de l’Ordre franciscain  est représenté en pied, vêtu de ses habits monastiques. En pleine méditation, il garde les yeux fermés tandis que de sa main gauche laissant apercevoir les stigmates, il tient un crucifix. Au-dessus du saint pend un cartouche dans lequel est inscrit : « Ste FRANCISCE / ORA PRO NOBIS ». Cette peinture fut refaite à l’huile au milieu du XIXe siècle ce qui explique son bon aspect actuel. Elle faisait peut-être partie du cycle de la vie de Saint François dont parle le baron de Guilhermy en 1850 et qui semble avoir décoré une chapelle nord (Etienne Martin & Pierre-Hippolyte Pénet, 2022, p.51).

  

Chapelle des Rois

Les peintures de la chapelles des Rois, située à droite en entrant dans l’église, sont pour l’essentiel perdue et seuls les quatre écoinçons encadrant les arcs permettent un commentaire. Ils semblent n’avoir jamais été badigeonnés et, cependant, leur décoration peinte est aujourd’hui illisible.

 

Vue des écoinçons de la chapelle des Rois (clichés personnels, 2017)

 

Heureusement, un relevé en a été fait à la fin du XIXe siècle (Gaston Save, 1897, p.14-15). De droite à gauche, soit en progressant vers l’intérieur de l’église, on pouvait observer les peintures suivantes :

  • un ange, peint en camaïeu gris, tenant un écu : écartelé en 1 et 4  d’or au triangle de gueules en abîme, accompagné de trois croissants d’azur deux et un (qui est de Trèves) ; et en 2 et 3 d’or aux trois fleurs de lys de sable.
  • un ange, peint de même, tenant un écu aux armes de Pierre Le Clerc : écartelé en 1 et 4 d’or au léopard de gueules armé, lampassé et couronné d’azur et au chef du même chargé de trois besants d’or (qui est de Le Clerc) et en 2 et 3 d’or au triangle de gueules en abîme, accompagné de trois croissants d’azur deux et un (qui est de Trèves).
  • un ange, peint de couleurs variées, tenant un phylactère sur lequel est inscrit : « [- - -] ihs dominum imperium nobis fera de [- - -] ».
  • un ange tenant un phylactère. Ce quatrième écoinçon a été coupée par la balustrade de l’ancienne tribune et il est donc très lacunaire.

 

Armes du premier écoinçon selon Gaston Save (image personnelle)   Armes de Pierre Le Clerc (image personnelle)   Armes originelles du premier écoinçon selon Raymond des Godins de Souhesme (image personnelle)

  

Cette lecture de Gaston Save a été partiellement mise en doute (Raymond des Godins de Souhesme, 1897). Le problème porte sur le premier écu dont l’écartelé aurait été inversé. Raymond des Godins de Souhesme supposait que les armoiries représentées originellement étaient celles de Pierre Le Clerc, comme sur le deuxième écoinçon. Les quartiers fleurdelisés appartiendrait, quant à eux à un écu que l’on aurait peint au-dessus du premier à une date postérieure et qu’il reconstitue ainsi : écartelé en 1 et 4, de sable à ...; et en 2 et 3, d’argent à trois de fleurs de lys de sable. Les nettoyages successifs auraient confondu les deux blasons.

 

Autres chapelles de droite

À la chapelle des Rois fait suite celle dédiée à Notre-Dame de Pitié et celle du Sépulcre. Elles étaient encore couvertes de badigeon à la fin du XIXe siècle (Gaston Save, 1897, p.15). Aujourd’hui, des traces de peinture sont bien visibles mais il est difficile d’en tirer quoi que ce soit.

 

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