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Palais ducal de Nancy
27 juillet 2019

II- Disposition intérieure

Mise à jour (24/06/2020)

 

La disposition exacte des pièces de l'aile René II et leur affectation nous sont connues par les archives et les plans du XVIIIe siècle. Il est évident que durant les deux siècles d'histoire du bâtiment, les choses ont pu changer. Pourtant, on observe une certaine continuité. Précisons d'emblée que je n'évoquerai pas les caves dont l'usage n'est que peu documenté. Elles servaient vraisemblablement pour le stockage.

 

Rez-de-chaussée de l'aile René II (dessin personnel)  1er étage de l'aile René II (dessin personnel)


Il semble que l'espace intérieur de l'aile René II n'ait pas été conçu comme un ensemble mais comme une juxtaposition d'éléments. Ainsi, la partie orientale de l'aile, plus large était occupée au 1er étage par la Salle Saint-Georges. Les pièces situées en-dessous étaient séparées par le passage [2] menant de la Cour d'honneur à la "cour derrière Saint-Georges". D'un côté de ce passage se trouvait un corps de garde [1] et, de l'autre, les bureaux de l'hôtel ducal [3]. Un autre espace, placé contre le transept nord de la collégiale, était entièrement séparé du reste de l'aile [4]. Il s'agissait d'un escalier donnant accès à deux salles (une à chaque niveau). Pour autant que l'on puisse savoir, la salle haute était destinée au service des grandes orgues placées au-dessus du tombeau du Téméraire. La destination de la salle basse est plus incertaine mais Henri Lepage y voyait le Trésor de la collégiale. Le reste de l'aile était occupé par l'administration ducale. Au rez-de-chaussée se trouvaient ainsi les appartements de l'argentier [5] et la Chambre des Comptes et du Trésor [6]. Celle-ci devint à l'époque de Léopold la chambre des heiduques. Au 1er étage se trouvaient les archives, du moins jusqu'à leur transfert dans la Tour du Trésor des Chartes sous Charles III.

 

Locaux administratifs

Notre connaissance des locaux abritant l'administration ducale avant l'édification de l'aile René II est très imparfaite. La Chambre des Comptes et du Trésor se trouvait dans une tour (rénovée et embellie en 1488-1489) mais son emplacement est inconnu. Le Trésor des Chartes, quant à lui, était confié au chapitre de Sainte-Georges et son emplacement est donc à chercher dans les annexes de la collégiale. A ces deux éléments, il faut ajouter la maison de l'argentier, situé près d'une tour, et la chambre de parement dans laquelle se déroulaient les Assises.

Il semble que le but de René II ait été de réunir ces différentes administrations dans une unique aile de son palais. Ainsi les appartements de l'argentier et la Chambre des Comptes et du Trésor furent installés au rez-de-chaussée. Une chambrette, refaite en 1585, était destinée aux clercs du Trésor (Henri Lepage, 1852, p. 63). Les archives ducales, quant à elles, se trouvaient à l'étage. Ce point a parfois été discuté. Ainsi, il a parfois été supposé que René II avait installé le Trésor des Chartes dans les combles de la nouvelle aile. Comme l'a noté Hubert Collin, cela était peu probable tant en raison des risques d'incendie qu'à cause des grandes variations de températures peu propices à la conservation des archives (Collin 1997, p. 182). Un document de 1564-1565 tranche la question car on y fait allusion à la rénovation d'une pièce destinée aux "papiers" située au-dessus de la Chambre des Comptes (Henri Lepage, 1852, p. 63). Il s'agit sans doute des archives.

Le règne de Charles III fut marqué par l'activité de Thierry Alix qui tria et réorganisa le Trésor des Chartes. Il apparut que la Chambre qui leur était dévolue était devenue trop petite. C'est pour cette raison que le duc ordonna leur transfert dans le vieux donjon qui prit le nom de Tour du Trésor des Chartes. Il est probable que les pièces libérées furent attribuées à la Chambre des Comptes qui put ainsi s'aggrandir. Il est sûr en tous cas que la décision de Charles III sauva les archives ducales. En effet, en 1627, un incendie ravagea la partie sud du complexe palatial. Selon le Révérend-Père Donal, confesseur de Charles IV et témoin du sinistre, il fut très difficile de sauver le Trésor de l'Etat et celui de la Chambre des Comptes. Contrairement à l'aile du jeu de paume qu'il fallut abattre, celle qui nous intéresse ici pu être conservée moyennant des réparations. L'administration réintégra ses locaux pour quelques décennies. En effet, la guerre contre la France faisait rage et en 1669, le palais ducal fut mis à sac par le maréchal de Créquy (Henri Lepage, 1852, p. 120). Les documents de la Chambre des Comptes furent bien-sûr une cible privilégiée. Louis XIV alla plus loin et, l'année suivante, il supprima la Chambre des Comptes transférant ses prérogatives à l'administration royale de Metz. La suppression de la Chambre des Comptes fut un échec car elle braqua encore davantage les populations contre l'occupant. Elle fut rétablit sous Léopold mais, en 1714, on la déplaça dans l'Hôtel de ville dans la Ville-Neuve. Elle y resta jusqu'à son transfertdans l'Hôtel de la Monnaie en 1773. Quant aux locaux qu'elle occupait précédemment dans le palais, ils furent partagés : le rez-de-chaussée devint la "chambre des heiduques" tandis que l'étage fut convertis en logement pour Jacques III Stuart, puis pour le prince Charles-Henri de Vaudémont (Thierry Franz, 2017, p. 210). 

 

Salle Saint-Georges

Une salle aux usages variés

Avant que le duc Antoine n'aménage la galerie des cerfs dans l'aile qu'il fit construire sur la Grande-Rue, la salle Saint-Georges était la grande salle d'apparat du palais. C'est là que se tenaient les grandes cérémonies et réceptions ducales. Nous savons ainsi que les Etats généraux de Lorraine s'y tinrent en 1523, en 1622 et en 1630 (Henri Lepage, 1852, p. 39, 99 et 109). Cette institution, beaucoup plus usité qu'en France, avait un rôle très important dans le gouvernement du duché. L'accord des représentants de la noblesse, du clergé et de la bourgeoisie urbaine était requis pour autoriser le souverain à lever de nouveaux impôts. Ils étaient également les garants de la coutume de Lorraine et devait constater l'accession à la majorité d'un jeune duc pour mettre un terme à une période de régence.

Le grand maître d'hôtel et le roi d'arme par Friedrich Brentel 1611 (cliché BINHA, détail)

Outre la tenue des Etats généraux, la salle Saint-Georges servait lors des nombreuses réjouissances (comme à l'occasion du carnaval) qui égayaient la vie de cour. Ces fêtes étaient souvent le pendant d'une cérémonie religieuse célébrée dans la collégiale voisine. Ainsi, on y fêta les baptêmes de Christine, la fille de Charles III (1565) puis du futur Charles IV (1605) qui n'était alors que le fils du comte François de Vaudémont (Henri Lepage, 1852, p. 64 et 80). La salle Saint-Georges jouait également un rôle de premier plan lors des funérailles ducales comme celles de Charles III en 1608. C'est là que les princes en grands deuils attendaient pendant l'inhumation du défunt en l'église des Cordeliers. Dans la petite salle voisine, on avait placé sur une table richement décorée un dais sous lequel, la cérémonie achevée, on vint déposer les insignes de la souveraineté ducale (couronne, sceptre, main de justice et épée). Au cours d'une cérémonie civile réunissant les officiers ducaux dans la salle Saint-Georges, le grand maître d’hôtel brisait le bâton symbolisant sa charge en annonçant la mort de son maître. Le roi d'arme prenait alors la parole pour officialiser la vacance du pouvoir. Il est regrettable qu'aucune planche de Friedrich Brentel ne représente cet épisode de la pompe funèbre.

Sceau de la Confrérie de Notre-Dame de Liesse

On pouvait également y jouer des pièces de théâtre car la largeur de la salle permettait d'y placer à la fois la scène et les estrades destinées au public. Les sujets ont sans doute varié mais nous sommes renseignés sur quelques-unes de ces représentations. Sous le règne d'Antoine, en 1523, pour être précis, on donna ainsi des farces pour le carnaval (Henri Lepage, 1852, p. 39). Ces pièces satyriques étaient alors très en vogue. Nous ignorons quelles farces furent jouées au Palais ducal mais on pense tout naturellement au répertoire de Triboulet, bouffon de René Ier, qui composa entre autres la célèbre "Farce de Maître Pathelin". Plus tard, en 1557, c'est un mystère intitulé "La Vendition de Joseph" qui fut joué (Henri Lepage, 1852, p. 58). Son thème reprenait l'épisode de l'Ancien Testament dans lequel Joseph, fils du patriarche Jacob, est vendu par ses frères jaloux de l'affection que lui porte leur père. Il semble que ce mystère ait été monté par la Confrérie de Notre-Dame de Liesse pour être joué à Paris en 1538. L'autre pièce dont nous connaissons le titre est "La Pénitance de la Magdalaine" qui fut jouée à la cour lorraine en février 1605 par une troupe espagnole (Henri Lepage, 1852, p. 80). Ce mystère était tiré d'un épisode du Nouveau Testament.

Il faut également mentionner les activités sportives qui pouvaient avoir lieu dans la salle Saint-Georges. Par là, entendons les combats à pied ou à la barrière (ce qui nécessitait bien sûr l'installation de ladite barrière). Ces combats, auxquels les ducs participaient volontiers, se déroulaient à l'épée, à la pique, à la masse ou encore au fléau. Ces divertissements, qui étaient autant d'entraînement à la guerre, étaient organisés lors de réjouissances comme le mariage de Mme de Mouchy, dame d'honneur de Claude de Lorraine, en 1563 ou lors des fêtes organisées en 1579 en l'honneur du duc Casimir et des cardinaux de Retz et de Vaudémont (Henri Lepage, 1852, p. 54, 63, 71 et 95).

Après les troubles de la guerre de Trente Ans et le retour de la dynastie ducale, la salle Saint-Georges semble avoir perdu son but de lieu de réjouissances. On y installa une salle des gardes marquant l'entrée dans les appartements du duc (Thierry Franz, 2017, p. 207-208). A la même époque, on aménagea les combles au-dessus de la salle pour y loger le père Creitzen, confesseur de Léopold. Cette dispostion fut brève car, en 1717, la partie orientale de l'aile René II fut détruite, en même temps que le logis ducal et qu'une vaste portion de la collégiale, pour libérer l'espace néccessaire au Louvre de Boffrand.

 

Une apparence mal documentée

Cette salle, dont nous avons vu les différentes fonctions, ne nous est connue par aucune représentation autre que les plans du XVIIIe s. Il s'agissait d'une salle rectangulaire dont les grands côtés, percés de deux fenêtres au nord et de trois au sud donnaient respectivement sur la cour d'honneur et la cour derrière la collégiale. A l'est, deux portes donnait accès au logis ducal tandis qu'à l'ouest, une porte permettait de rejoindre via un couloir une chambrette servant de dépendance à la salle. Le mur ouest comportait de plus une cheminée. Il faut également mentionner deux passages : l'un, au nord-est, donnant accès à la Tour du "Rond" et l'autre, au sud-ouest, par lequel la famille ducale pouvait pénétrer dans la loge qui lui était destinée dans la collégiale. Concernant sa décoration, il faut avouer notre ignorance. Il est probable qu'on l'ornait de tapisseries selon les occasions mais il est difficile d'en dire plus. Le plafond, quant à lui, n'était pas voûté sur la coupe de Jules-Hardouin Mansart et on peut supposer qu'il s'agissait d'un "plafond à la française" comme dans le logis ducal. Les mesures notées donnent 15 pieds 2 pouces de hauteur soit 4m92 sous plafond. Les poutres apparentes étaient peut-être peintes mais rien n'est assuré. La seule mention que nous ayant d'une quelconque décoration est un texte d'archive de 1633 qui fait état de peinture argentée aux croisées des fenêtres (Henri Lepage, 1852, p. 109).

 

mur est de la salle Saint-Georges par Hardouin-Mansart, 1700 (cliché Bnf ; D29 détail)


Locaux militaires

L'aile René II était partiellement occupée par des locaux militaires. Les plus ancien était naturellement le corps de garde lié au passage permettant d'aller de la cour d'honneur à la cour derrière Saint-Georges puis, au-delà, à la Place carrière.

Il faut également mentionner la pièce du rez-de chaussée donnant sur le vestibule (et dont, comme nous l'avons dit, deux fenêtres sont préservées). Occupée initialement par la Chambre des Comptes et du Trésor, elle resta vide lorsque cette institution fut transférée dans la Ville-Neuve en 1714. Elle fut alors affectée aux heiduques du souverain. Sous ce nom, on désignait originellement des fantassins hongrois. Au XVIIIe siècle, la mode parmi les princes allemands étaient d'être accompagnés de ces soldats à l'allure exotique qui manifestaient, par leur seule présence, le prestige de leur maître (Chantal Humbert, 1978, p. 53-63). Pour Léopold, ces heiduques permettaient surtout d'évoquer la gloire acquise par la Maison de Lorraine dans les Balkans dans la lutte contre les Turcs. Au nombre d'une douzaine, les heiduques de la cour de Lorraine étaient placés sous le commandement de l'un des leurs, Janko Bolaz qualifié de "Premier des heiduques". Bien que leur but premier ait été de veiller sur la sécurité du duc, ces soldats à l'allure orientale apportaient également une touche d'exotisme aux divertissements de cour : leurs danses hongroises étant notamment très prisées. La Chambre des heiduques était donc réservée à ces membres si particuliers de la garde ducale. On ignore malheureusement tout de son aménagement.

 

Portrait équestre de Léopold accompagné d'un heiduque, Hofburg d'Innsbruck (cliché commons.wikimedia.org)   Costume d'opéra pour un heiduque (cliché CNCS)

 

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